Au début du XIIIème siècle, les Foires Saint Germain et Saint Laurent permettent le développement du théâtre de la Foire. Genre multiple, puisque ses formes sont diverses (pièces par écriteaux, en pantomime, pièces pour marionnettes,...), il décourage toute lecture simpliste du texte forain. S'il est essentiellement riant, voire grossier, il fait preuve d'une incroyable inventivité ; sa fertilité est exigée par de conditions de représentations contraintes par les censures des théâtres officiels. Plus qu'un théâtre en marge de l'époque, en marge du langage et des conventions, c'est un théâtre de défi. Il est pourtant reconnu par le public auprès duquel il remporte un immense succès, grâce au rire son principal ressort. Le public se réjouit d'une gestuelle comique (héritée de la Commedia dell'arte), d'un jeu parfois extravagant, d'un irrespect notoire atteignant les représentants de l'ordre établi. C'est parce qu'il se développe malgré les censures que l' « on a souvent dit que le théâtre de la Foire était subversif ». Par subversif, entendons ce qui est propre à renverser voire détruire l'ordre établi, à saper les valeurs communément admises. En effet, il joue de multiples stratagèmes pour déjouer les interdictions et les censures qu'on lui impose ; et c'est en donnant l'illusion de les respecter qu'il revêt davantage de pouvoir subversif. Interrogeons cette notion de subversion appliquée au théâtre forain à travers quatre de ses auteurs : Fuzelier, avec La Matrone d'Ephèse, Lesage et d'Orneval pour l'Ombre de la Foire et l'Oracle muet et Carolet, auteur d'Atys Travesti. Tous font reposer leur spectacle sur un stratagème destiné à déjouer les censures (respectivement : le recours aux écriteaux ; le monologue ; les écriteaux encore, et enfin le jeu des marionnettes), faisant de la représentation même de ces œuvres un acte subversif. Dans quelle mesure le théâtre de la Foire opère une révolution de l'ordre communément admis ? Et si le rire est le propre de cette liberté foraine, peut-on pour autant l'associer à un rire purement subversif, voire dévastateur ? Il s'agit d'apprécier le défi constitué par ce théâtre : le spectateur peut l'appréhender comme triplement irrégulier. Puis nous étudierons le jeu et le langage subversifs propre à l'expression de ce théâtre, en en soulignant les principaux ressorts. Enfin, nous verrons que le rire même de ce théâtre semble empêcher de le restreindre à une seule portée subversive, pour affirmer davantage la liberté du rire.
[...] Ainsi, jusque dans le langage, la Théâtre de la Foire refuse l'ordre. Or, peut-on autant faire du théâtre de la foire un théâtre essentiellement subversif. N'est-il pas plutôt un théâtre qui s'affirme contre l'ordre dans le rire, mais qui sait aussi rire de lui-même La liberté de rire Un rire qui reste sociable S'il affirme sa liberté en riant de l'ordre (social, moral, langagier, etc.), ce théâtre ne semble pas se rire de tout. La subversion se limite avant de tout atteindre. [...]
[...] Faire chanter sur l'air Flon Flon Ciel ! Ma jupe se tire, c'est là que [ . ]se cachent les esprits acte II La Matrone D'Ephèse), c'est se moquer de la vertu, mais c'est permettre aussi au théâtre de rester dans une liberté riante. Ainsi, le théâtre de la Foire, peut être davantage que pour échapper à la censure, pratique un rééquilibrage permanent de la subversion par le rire. Une subversion riante et dédramatisante Ce théâtre semble vouloir pratiquer un art de la dédramatisation. [...]
[...] Mais tous sont caractéristiques d'une attitude provocante, voire tout à fait subversive. C'es personnages s'affirment comme les codes moraux, sociaux, religieux. Rien à voir avec l'idéal policé de ce XVIIIème siècle, associé à la naissance d'une nouvelle mondanité éclairée par sa croyance dans l'homme et le progrès. Ici, prédominent les instincts primaires de l'homme, à travers la vulgarité, le désir sexuel, la grivoiserie, la gourmandise, le penchant pour la boisson, etc. Le théâtre de la Foire consacre donc sur scène les travers de l'homme, éloignant le spectateur du monde de la civilité. [...]
[...] Le rire est une arme mais il est en même temps garant d'un certain ordre. Il est en quelque sorte garde fou bouffon du théâtre de la Foire. Le public n'oublie jamais qu'il est spectateur d'Arlequin, de Polichinelle ou de Trivelin : les lazzi et leur balourdise affirmée n'effacent pas leur bon sens, mais le rendent pour le moins épisodique ! Ainsi, l'Arlequin de L'Ombre de la Foire est davantage un personnage de théâtre de la Foire que son avocat : lorsqu'il tremble, c'est comiquement ; lorsqu'il évoque le suicide, c'est encore comiquement . [...]
[...] Dans quelle mesure le théâtre de la Foire opère une révolution de l'ordre communément admis ? Et si le rire est le propre de cette liberté foraine, peut-on pour autant l'associer à un rire purement subversif, voire dévastateur ? Il s'agit d'apprécier le défi constitué par ce théâtre : le spectateur peut l'appréhender comme triplement irrégulier. Puis nous étudierons le jeu et le langage subversifs propres à l'expression de ce théâtre, en en soulignant les principaux ressorts. Enfin, nous verrons que le rire même de ce théâtre semble empêcher de le restreindre à une seule portée subversive, pour affirmer davantage la liberté du rire. [...]
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