Les Lettres Persanes, roman polyphonique, comporte nécessaire pléthore de points de vue et de fils narratifs.
[...] En effet, Les Lettres Persanes établit Usbek comme un double en négatif de Roxane. McAlpin observe la nature mélancolique - au sens psychanalytique du terme, c'est-à-dire : celui qui s'identifie à l'objet perdu - d'Usbek, ce qu'elle appelle même son anomie. Usbek a une vision apocalyptique du monde, un manque de croyance fondamental en des passions durables - comme l'amour ; sa seule constante est l'entropie qu'il projette sur l'univers entier. Roxane, au contraire, est dévouée à son amant et agit en accord avec des principes positifs auxquels elle croit : elle démontre la durabilité de l'amour véritable dont Usbek est incapable de faire l'expérience, et sa nature vitale, même s'il la conduit à la mort. [...]
[...] Mariée à un eunuque, Anaïs est devenue « l'esclave d'un esclave ». Leur union est si éloignée de ce qu'il y a de naturel - c'est-à-dire que le désir y est absent de son côté, et inconsommable par son mari - qu'elle n'est plus même femme. Selon sa nouvelle religion, l'union d'Astarté et d'Aphéridon est prohibée ; pourtant, Astarté finit par la trouver plus naturelle - et donc désirable - que le mariage arrangé par la sultane : « Vous êtes aimé, mon frère, me dit-elle, et par une guèbre. [...]
[...] Le lecteur contemporain de Montesquieu peut se reconnaître dans ce discours : "Usbek's language is less appropriate to an Oriental despot than to a French husband who needed to believe that in dominating his family he was acting in accordance with reason and Christian morality, acting from love rather than tyranny and regarding the women's welfare as well as his own" (Rogers 67). Usbek et ses épouses, surtout, servent ainsi de miroir à peine déformant pour l'édification introspective du lecteur européen masculin. Cette tendance culmine bien sûr dans la métaphore filée tout le long du roman : celle du sérail comme état despotique. [...]
[...] » « Deux mois se passèrent dans ce combat de l'amour et de la vertu. » « Vous poussâtes trop loin vos chastes scrupules : vous ne vous rendîtes pas même après avoir été vaincue ; vous défendîtes jusqu'à la dernière extrémité une virginité mourante : vous me regardâtes comme un ennemi qui vous avoit fait un outrage ; non pas comme un époux qui vous avoit aimée ; vous fûtes plus de trois mois que vous n'osiez me regarder sans rougir : votre air confus semblait me reprocher l'avantage que j'avois pris. [...]
[...] Ibrahim, furieux, la poignarde. Et Anaïs finit par être récompensée d'un sérail inversé : « elle alla s'enfermer dans le sérail, où elle voulait, disait-elle, faire connaissance avec ces captifs immortels qui devaient à jamais vivre avec elle. Elle visita donc les appartements de ces lieux les plus reculés et les plus charmants, où elle compta cinquante esclaves d'une beauté miraculeuse: elle erra toute la nuit de chambre en chambre, recevant partout des hommages toujours différents et toujours les mêmes » (Lettre CXLI, de Rica à Usbek). [...]
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