Le Rêve du village des Ding, Yan Lianke, LLCE Langues Littératures et Civilisations Étrangères, sida, littérature chinoise, drame, vie, mort, critique
Né en 1958 dans la Chine rurale, au moment où Mao lance son grand programme devant mener son pays au « miracle économique » et se soldant par des millions de morts après un épisode de grande famine, Yan Lianke commence comme écrivain de l'Armée populaire de Libération en 1979, et en sera limogé en 2004. Il est sans doute permis de voir un lien de cause à effet avec l'écriture quelques mois plus tard, en 2005, de son roman Le Rêve du Village des Ding, dans la mesure où Lianke y dénonce sans ambages les ravages causés par le sida dans une Chine soumise plus que jamais à une dictature sanguinaire.
[...] * S'il y a une vérité qui semble établie et incontournable pour Yan Lianke, c'est que seule la Nature a le pouvoir de survivre et se régénérer. La morale de cette fable, si tant est qu'il y en ait une, est sans doute à chercher du côté de la responsabilité de l'Homme en général, de sa cupidité, et du système politique dictatorial tel qu'il existe en Chine en particulier. Le poète et opposant chinois Liao Yiwu résumait cela par ces mots : « Aujourd'hui la seule ambition est de faire de l'argent". [...]
[...] ] Le sang avait quitté le visage des malades » (p.161). De même, lorsque le grand-père se retrouve évincé de son rôle de chef du village par Genzhu et Yuejin, ce seul petit lien qui le raccrochait encore à la vie, il a déjà la pâleur d'un mort avec « des gouttes de sueur qui commençaient à perler sur son front que le sang avait déserté » (p.172). Le choix du roman, et plus précisément de la fable, permet donc à Lianke de présenter un fait réel insupportable en le rendant supportable, mais il lui permet aussi d'utiliser la fiction pour présenter avec force et allégorie une vérité générale, comme il est coutume de le faire dans les fables. [...]
[...] C'était la fin de l'automne » (p.7) « Le lendemain à l'aube, alors que le soleil levant teintait de rouge, le rouge du sang, la plaine du Henan » (p. 53) En fait, le rouge semble volontairement présenté comme étant double, comme les deux faces d'une même pièce, porteur de vie comme pouvant potentiellement être anéanti par le noir de la mort et de l'ignorance (« Le rouge du sang avait maintenant fait place à l'obscurité de la nuit » p.7). [...]
[...] Ainsi, tout en retraçant l'histoire d'une hécatombe au sein du village des Ding, Lianke introduit l'idée que grâce aux rêves, il est encore permis de s'évader, et donc de vivre, alors que dans la « vraie » vie, comme il l'écrit dès les premières lignes, « La vie ressemblait à la mort [ . ] la vie [ . ] n'était plus qu'un cadavre enterré dans sa tombe » (p.7). Il n'est donc pas étonnant de voir le grand-père du narrateur présenté dès le premier chapitre comme quelqu'un qui va se réfugier dans le rêve, et cette nécessité est pour lui d'autant plus vitale qu'elle est liée, de manière intrinsèque, au caractère mortel du sida : « La maladie était cachée dans le sang comme mon grand-père était enfoui dans son rêve. [...]
[...] Le roman décrit la lente agonie d'un village finalement décimé par la maladie. Ainsi, la question principale, au vu du sujet ô combien tragique et réaliste qu'est le sida, consiste à se demander pourquoi Yan Lianke a choisi la forme du roman plutôt que celle du témoignage ou du documentaire. On peut en outre se demander s'il existe, selon l'auteur, un moyen d'échapper à ce genre de fléau ou de faire en sorte qu'il ne se reproduise plus. Après avoir analysé les raisons de ce choix de recourir à la fiction, nous analyserons le triomphe de l'ignorance que l'auteur met en relief, avant de nous intéresser à la vision que Lianke a de la Nature, une Nature toute-puissante, survivante. [...]
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