Réécriture du mythe de Salomé - De la figure biblique à la symbolique de la femme fatale

Thèmes abordés

Salomé, Mythologie, bible, femme, symbolisme, Flaubert, tragédie, Religion

Résumé du document

En termes de production littéraire, le mythe a une grande capacité de transcender les contingences spatio-temporelles de l'écriture et de permettre à l'homme de lettres d'accéder à un univers immuable, atemporel, et hautement symbolisant.
La réécriture du mythe ne se limite pas à une simple production de textes censés l'acheminer à travers les siècles et l'immortaliser. C'est également, et surtout, une volonté de le faire résonner dans l'époque contemporaine, pour en faire revivre le sens.

Extraits

[...] Pour Huysmans, Salomé symbolise le mal. Elle est la figure de « l'indestructible luxure » mais aussi la « Beauté maudite » qui condamne à mort tout homme qui l'approche. Jules Laforgue (Moralités Légendaires) La « Salomé » de Jules Laforgue est une figure extrêmement ironique qui raille la complaisance de son époque pour le sang et la bizarrerie, en parodiant à la fois d'autres Salomé, comme celles de Heine, de Flaubert et d'Huysmans. Il s'agit d'une jeune « intellectuelle » qui, non par sa danse, mais par son art de la parole, incompréhensible au fond, a rendu fou Hérode. [...]

[...] Il ne s'agit pas de la mutilation symbolique d'un simple héros de la littérature. Selon le monde chrétien, Jean-Baptiste a été le dernier prophète juif et le premier martyr chrétien. Sa décollation constitue un fait éminemment symbolique. Ainsi, la danse de la princesse, sa complicité avec sa mère, sa beauté, sa sensualité, son impassibilité et tant d'autres attributs, convergent tous vers un univers chargé de symboles qui font d'elle une femme aimée pour ce qu'elle est et crainte à cause de ce qu'elle peut produire, belle de corps et hideuse d'esprit. [...]

[...] C'est l'explication d'une relation entre l'homme et la femme dans un équilibre fragile. En effet, le mythe de Salomé est une tragédie qui concerne moins l'histoire de la princesse juive et du martyre chrétien que l'histoire contemporaine - l'histoire des genres : le masculin et le féminin sont faits pour se compléter ; néanmoins, le progrès de l'Histoire, soumis à la marche des idéologies (religieuses ou autres) ne parvient pas à empêcher l'un d'écraser ou de mutiler l'autre. Le symbolisme du XIXe siècle est venu faire une brèche dans cette impasse à travers l'utilisation du mythe. [...]

[...] Heinrich Heine (Atta troll) Pour ce poète qui, de manière indirecte, inaugure la mode des femmes fatales, Salomé représente la féminitude de la nature impitoyable, « l'éternel féminin », selon l'expression de Baudelaire. Elle a la particularité d'être à la fois désirable et monstrueuse. Gustave Flaubert (Hérodias) En réalité, la Salomé moderne naît avec Salammbô de Flaubert (1862), mais c'est sa nouvelle Hérodias du recueil Trois contes (1877) qui constitue le texte le plus significatif de la réécriture du mythe. Pour Flaubert, Salomé est une criminelle innocente et impie. Alliant la grâce de la jeunesse et la sensualité naissante. Elle représente les artifices, le mystère et le danger. [...]

[...] C'est donc à partir du récit de Marc que tout le mythe de Salomé va pouvoir se mettre en place. Sous une forme n'offrant que peu de détails, notamment sur la danse de la jeune femme et sur la décapitation du Saint, l'histoire de Salomé est beaucoup moins consistante que celles qui, par le biais des reprises, vont se développer dans l'art et la littérature. Selon le dictionnaire des mythes littéraires (sous la direction de Pierre Brunel) : « Longtemps considéré par l'Eglise comme le modèle de la femme instrumentalisée par le Démon et l'exemple des conséquences funestes des danses lascives, le personnage de Salomé n'a pas cessé de nourrir les rumeurs et l'imagination en raison de l'absence d'informations le concernant. » 3 Ainsi, sont relatés au cours des siècles des histoires sur ses danses, ses mouvements érotiques, ses amours, ses rapports avec le Diable, les différentes versions de sa mort, etc. [...]