La tradition littéraire distingue la nouvelle, genre narratif court qui relève du récit et de la recherche de l'illusion référentielle, de l'exemplum, qui vise avant tout à persuader son auditoire par une force démonstrative appuyée…
[...] Contrairement aux moines qui se content de l'aspect divertissant des récits et n'en tirent aucune leçon, les aristocrates éclairés se rapprochent d'une réflexion métaphysique grâce à la fiction et à la discussion. Il ne faut donc pas négliger la profondeur psychologique des devisants, qui enrichissent l'interprétation des faits. D'ailleurs la parole n'est pas systématique, les devisants apprennent aussi à se taire sur des sujets qui pourtant les passionnent sur d'autres nouvelles. Parlamente se tait souvent quand le sujet porte sur l'infidélité, peut-être parce qu'elle est proche de Marguerite de Navarre, habituée aux écarts de son mari. [...]
[...] Parlamente serait Marguerite de Navarre elle-même et Hircan son mari fougueux mais volage. Le Prologue pose d'ailleurs le pacte de façon précise : Là, assiz à noz aises dira chacun quelque histoire qu'il aura vue ou bien ouy dire à quelque homme digne de foy. De même si l'amour sert de fil conducteur à cet ouvrage divertissant, la variété des registres employés confère à l'ensemble une multitude de lectures. Le comique le plus gaulois comme lorsque Roncex est surpris aux toilettes dans la première nouvelle du second livre, y côtoie le cruor le plus violent comme dans la dixième nouvelle où une femme mutile atrocement son visage pour tuer le désir des hommes. [...]
[...] Marguerite de Navarre L'Heptaméron La tradition littéraire distingue la nouvelle, genre narratif court qui relève du récit et de la recherche de l'illusion référentielle, de l'exemplum, qui vise avant tout à persuader son auditoire par une force démonstrative appuyée. Le terme nouvelle au Seizième Siècle renvoie à des faits contemporains et parfois déjà connus du public, tandis que l'exemplum renvoie davantage au fond rhétorique traditionnel. Marguerite de Navarre se démarque de ses prédécesseurs Boccace ou Philippe de Vigneules en proposant un mode narratif dans lequel les nouvelles sont enchâssées par les commentaires passionnés et les débats contradictoires de dix devisants. [...]
[...] L'édification spirituelle progressive des devisants risquait de voler en éclat autant par les récits que par les conversations tenues. Cette oeuvre reste donc une énigme littéraire. [...]
[...] Ainsi Marguerite de Navarre propose une véritable école du lecteur en réunissant nouvelle et exemplum. Cervantès un demi-siècle plus tard saura s'en souvenir dans son ouvrage intitulé Nouvelles exemplaires, soulignant combien la fiction a de force persuasive et peut être une voie vers l'acquisition de la vertu. Carolina Giardina, dans son article sur La Parole dans l'Heptaméron, paru en 1990 dans la revue Réforme Humanisme, Renaissance, apporte un complément à cette école en insistant sur les deux facettes de l'auteur de l'Heptaméron : Tandis que le discours de la sœur du roi tend à évacuer le caractère contestataire du livre, celui de l'écrivain insiste au contraire sur les tares de la société. [...]
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