On se plaît souvent à définir le personnage d'Emma par une phrase simple prétendument prononcée par Flaubert : « Emma, c'est moi. ».
[...] Elle frappait sur les touches avec aplomb, et parcourait du haut en bas tout le clavier sans s'interrompre. ( . ) Emma, d'autre part, savait conduire sa maison. Elle envoyait aux malades le compte des visites, dans des lettres bien tournées qui ne sentaient pas la facture. » Son autonomie est une caractéristique héroïque et particulièrement notable pour une femme de son époque. En insistant sur les différences d'Emma et Charles, Flaubert fait de son héroïne une femme forte. Une femme qui rêve. [...]
[...] Emma détient une fabuleuse (bien que destructrice) capacité à rêver. En cela, elle est l'incarnation même de l'héroïne romantique. C'est avec une certaine ironie et souvent par sarcasme que Flaubert nous narre les fabulations de la jeune femme. Emma ne peut pas vivre et se satisfaire de son existence. C'est une irrationalité permanente qui accompagne ses choix. Nous retrouvons ici cette opposition bien connue, bien qu'assez caricaturale parfois, du romantisme et du réalisme : Emma incarne le romantisme extrême, celui qui rompt catégoriquement avec la raison. [...]
[...] Madame Bovary, est-elle un héro? Si les similitudes entre la sensibilité et la psychologie de l'auteur et de son héroïne sont nombreuses, une demeure particulièrement percutante : l'incapacité de l'un et de l'autre à se satisfaire du réel. Paradoxalement, cette similitude est tout à la fois force et faiblesse. Qualité du héros et défaut de l'inadapté. L'ambivalence et la complexité d'Emma pourrait être résumée ainsi : elle oscille perpétuellement entre la passion de son imaginaire et la médiocrité de son existence vécue. [...]
[...] La psychologie d'Emma est difficile à cerner. Nous oscillons continuellement entre ses rêves dans lesquels sont présents l'amour inconditionnel, les idéaux de grandeur, l'ascension sociale . Et une réalité de laquelle elle se sent prisonnière. Héroïne de ses rêves et victime de son quotidien, le personnage Emma met d'autant plus en évidence la fabuleuse construction du récit flaubertien. Elle est l'héroïne romantique qui se débat dans l'atrocité du réel, de l'ennui. Les désillusions d'Emma sont nombreuses. Elle qui se croyait l'héroïne de ses romans finit par prendre conscience de la dureté du réel. [...]
[...] En revanche, la jeune femme incarne le romantisme même. Son statut est quasi conceptuel. Elle n'est pas seulement Madame Bovary, pas seulement une héroïne dont nous suivons les désagréments, mésaventures et malheurs. Elle incarne une lutte acharnée contre l'ennui, un besoin irrémédiable de sens. La souffrance d'Emma est un cri suraiguë qui vient concrétiser l'absurdité du réel. Si Flaubert fait de son héroïne une jeune femme dont il peut se moquer et dont il peut critiquer la posture, elle incarne également la blessure que lui même n'aura su guérir chez lui. [...]
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