Ce document est l'analyse historique et littéraire du récit d'Harriet A. Jacobs, dans son livre-témoignage « Incidents dans la vie d'une jeune esclave ». Ce dernier éclaire-t-il à la fois sur l'aspect concret de l'organisation esclavagiste au XIXème siècle aux Etats-Unis, et alerte-t-il, comme il l'a fait en son temps, sur le potentiel destructeur d'une humanité dont certains individus seraient mis face au confort de l'exploitation libre d'autrui ?
Pour ce faire, le document présente dans un premier temps la société américaine telle que décrite par l'auteure : un Sud qui base son propre modèle économique sur la barbarie, face à un Nord passif et loin d'être exempt de reproches. Dans un second temps, est davantage approfondie le concept même de l'esclavage, qu'il s'agisse de son cadre juridique officiel ou des abus permanents et tolérés de celui-ci. Vous verrez dans un troisième temps la richesse du témoignage qui est en notre présence, par les sentiments humains et la révolte qui ressortent de la plume de la jeune femme. Enfin, l'analyse s'interroge sur les leçons à tirer d'une telle époque, tant pour ce que ces siècles d'esclavage ont révélé de la nature humaine que pour nous demander si, de fait, l'esclavage a réellement été aboli.
[...] Les esclaves deviennent par la suite une force de travail gratuite et malléable à souhait. Malgré les conditions de travail, de par la menace, les révoltes d'esclaves restent suffisamment rares pour ne pas menacer le système, même si la révolte de Nat Turner, évoquée par l'auteur, en est un exemple - celle-ci ironise sur une révolte qui arrive bien que les esclaves soient, selon leurs maitres, « satisfaits et heureux ». (p104) Si certains esclaves sont au service direct de leurs maitres, l'on ressent une terreur plus forte encore pour un autre environnement, celui de la plantation, où les conditions de travail sont plus rudes encore. [...]
[...] Pour en revenir à l'abolition de l'esclavage, rappelons qu'elle n'a pas réglé tous les problèmes. Au contraire, immédiatement après l'application de l'abolition de l'esclavage (au terme de la meurtrière Guerre de Sécession qui ravage les Etats-Unis de 1861 à 1865), si les Noirs des états du Sud vont obtenir leur liberté, ce qui en soit, n'a pas de prix, en particulier à la lecture des témoignages de l'époque qui vient d'être révolue, en revanche tout reste encore à faire pour garantir leurs droits et l'égalité. [...]
[...] » (p15) Pourtant, des forces existent au Nord pour l'aider : la Société pour l'Abolition de l'Esclavage (p249) est par exemple mentionnée, elle-même qui prend en charge Fanny et l'aide à voyager vers New York. Puis, sur la suggestion de l'évêque Paine, l'idée d'écrire fait son chemin. Et c'est finalement cette compréhension de l'impact qu'elle peut avoir pour la cause qui lui est chère qui incite l'esclave fugitive, tout juste affranchie, à prendre la plume car elle « désire sincèrement éveiller la conscience des femmes du Nord à la condition de deux millions de femmes du Sud, toujours asservies, endurant ce que j'ai enduré, et certaines d'entre elles, bien pire, » et « expliquer aux habitants des États libres ce qu'est réellement l'Esclavage. [...]
[...] Comme le rappelle Keyssar, « après la Révolution américaine, les Noirs libres furent progressivement exclus du suffrage dans le Nord, ( . ) si bien qu'en 1855 seuls quatre États n'avaient pas établi de discriminations à leur encontre. » Au XIXème siècle, la réalité des Etats-Unis n'est pas celle d'une divergence quant à déterminer si les Noirs et le Blancs doivent être égaux. Un consensus existe alors quant à l'inégalité des « races » (terme toujours en cours dans le pays) ; la divergence relève plutôt des droits à néanmoins leur reconnaitre ou non. [...]
[...] Mais la vie rattrape progressivement l'illusion : pour l'auteur, cela se produit notamment avec la perte de ses parents, mais aussi avec celle de sa maitresse (qui, contrairement à la plupart des esclavagistes qui vont suivre, la traitait d'une manière relativement acceptable), qui va précipiter son changement de propriétaire vers des maitres nettement moins soucieux du bien-être d'une enfant, fut-elle noire. Cette nouvelle situation contraste d'autant plus fortement avec la précédente qu'elle est presque soudaine, l'auteur évoquant ainsi les peines de son enfance soudain brisée. L'adolescence n'arrange pas les choses. Comme nous l'avons dit, pour toute esclave femme, c'est le moment de nouveaux périls vis-à-vis du maitre. Mais aussi, celui de sentiments réels comme en aurait n'importe quelle jeune femme, celle-ci tombant amoureux d'un jeune homme, mais ne pouvant de par sa condition d'esclave envisager sereinement de l'épouser. [...]
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