Etude du « cycle Bandini » de John Fante : Arturo Bandini ou la quête identitaire

Résumé du document

Dans sa quête de la représentation de « la vérité des émotions », Fante privilégie un point de vue unique et interne en rendant le flot de pensées de son personnage dans des monologues intérieurs. Les intrigues, le style et la narration restent simples et de construction traditionnelle car, pour rendre une certaine authenticité, Fante compte sur ce qu'on pourrait appeler sa spécialité : sa manière de créer un personnage central à la psyché complexe et instable. C'est justement à travers l'analyse de la psychologie d'Arturo que nous nous proposons d'examiner les romans de Fante. Ce n'est pas un personnage suivi dans son évolution, dans le sens où Fante n'avait pas prévu d'écrire une saga Bandini : la chronologie des publications ne correspond pas à celle de la vie du personnage. Au contraire, Fante s'attarde sur une période charnière de la vie : le passage à l'âge adulte. Ses romans comportent donc une forte dimension initiatique. Bandini est bien « à l'école de la vie » et, en tant que jeune écrivain en devenir, il « se cherche ».

Extraits

[...] : Paris (1ère édn. 1938) Demande à la poussière. Christian Bourgeois éd. : Paris (1ère édn. 1939) Rêves de Bunker Hill. Christian Bourgeois éd. : Paris (1ère édn. 1982) La route de Los Angeles. Christian Bourgeois éd. : Paris (1ère édn. 1985) The Bandini Quartet: Wait Until Spring, Bandini, The Road to Los Angeles, Ask the Dust, Dreams From Bunker Hill. Canongate Books Ltd: Edinburgh Selected Letters 1932-1981. [...]

[...] La description originale de Los Angeles par Fante est donc un bon exemple de l'enrichissement que peut apporter une double culture. Comme nous avons pu le comprendre, l'identité nationale d'Arturo Bandini, comme celle de John Fante, en tant que fils d'immigrés, provoque en eux des tiraillements dus à la difficulté d'assimiler une double culture. Cette dualité se retrouve également dans le statut social et la personnalité du narrateur. En effet, les identités individuelles et sociales de Bandini sont tout aussi instables et problématiques à cause de leurs positions intermédiaires. [...]

[...] En fait, toutes ces attitudes sont à comprendre comme autant de façons de s'isoler par rapport aux autres dans le but de se créer une identité propre et distincte. En ce qui concerne la problématique du questionnement identitaire provenant du statut social, il semble qu'elle soit exacerbée par la position marginale de l'écrivain. Se posant en observateur de la société, l'écrivain se trouve directement dans une perspective périphérique volontaire. Ce point de vue entraîne également en retour une observation de soi et se traduit par une quête de la vérité. [...]

[...] Cependant, de nombreuses références aux discriminations ethniques qu'il a connues laissent entrevoir l'étendue de l'impact d'une acculturation sur la formation de l'identité du narrateur. Dans les novellas étudiées, Arturo se retrouve confronté à son ethnicité seul, au travail ou dans sa vie sociale. Par exemple, lorsqu'il se fait insulter ou humilier à cause de son origine ethnique, il réagit immédiatement par la violence : “Bonne chance, le rital.” Je le frappai au visage (Rêves de Bunker Hill, p. 124) Un autre réflexe défensif consiste à projeter le racisme dont il a été victime plus jeune contre d'autres ethnies. [...]

[...] Et par extension, John Fante se voyait-il comme un écrivain ethnique ayant pour but de représenter la minorité italienne ? Offre-t-il un portrait de l'Italien victimisé par la culture dominante ? Ou, au contraire, donne-t-il une vision optimale du processus d'assimilation ? Ensuite, nous tenterons de nuancer les approches strictement ethniques au problème de l'identité chez Arturo Bandini en étudiant son identité individuelle et sociale. Nous verrons que sa misère financière, son statut proclamé de génie de la littérature, mais aussi sa force de caractère, son attitude radicale et ses réactions émotionnelles participent à le placer dans la position de l'Autre Nous nous demanderons également si Arturo, comme Fante, parvient finalement à une certaine unicité de soi. [...]