A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les politiques natalistes enjoignent les français à avoir des enfants et ainsi à toucher les primes de naissance…
[...] C'est dans ce contexte que naît Josyane, l'héroïne de notre roman, enfant puis adolescente et adulte en colère contre le modèle des « bonnes femmes » de sa cité, dans Les Petits Enfants du Siècle de Christiane Rochefort, livre paru en 1961. En quoi cet ouvrage est-il révolutionnaire ? S'inscrivant dans la perspective d'un futur désenchanté, le livre par son titre fait directement référence à l'œuvre d'Alfred de Musset, La Confession d'un Enfant du Siècle, paru en 1836. Dans son œuvre l'auteur Christiane Rochefort cherche à montrer la crise identitaire de cette nouvelle génération, à travers la voix d'une enfant, ce qui reste assez novateur, et critique aussi les progrès effectués autant en urbanisme que l'accès facilité à la consommation, moteurs d'un bonheur artificiel. [...]
[...] Les loisirs existent peu, à part les moments de silence voués aux devoirs scolaires du soir, puis les relations avec les garçons prendront la place de ces moments de calme. C'est finalement l'amour qui va sauver Josyane, et paradoxalement la poser dans la même situation que ces « bonnes femmes » autrefois critiquées. Ce roman apparaît bien révolutionnaire non seulement dans le traitement de la narration, la voix est donnée à une héroïne jeune que l'on voit évoluer, mais aussi par la vision très critique de cette société d'après-guerre dont le gouvernement se montre pourtant comme un sauveur redonnant du pouvoir d'achat à une classe sociale défavorisée. [...]
[...] Les conditions de vie de ces familles sont évoquées de manière très réaliste et Josyane en révolte contre ce système finira par rentrer dans le même moule lorsqu'elle tombe amoureuse, attend un enfant puis se marie, et enfin reçoit la prime de naissance. L'angoisse de cette voix d'enfant est le fil conducteur du roman. Elle nous promène dans la réalité des années soixante, des progrès sociaux-économiques mais en dévoile les coulisses par cet essor de la natalité vécu par l'enfant comme un poids trop lourd à assumer. Le futur n'est pas envisagé car le présent est trop lourd à vivre. [...]
[...] Mais symboliquement il s'agit bien d'échanger des enfants contre des biens de consommation. L'héroïne Josyane fait entendre sa voix contre le sort réservé aux femmes de son époque, les « bonnes femmes » comme elle les nomme. Elle se révolte contre l'assimilation du sexe à la procréation et décide de pratiquer le sexe pour le plaisir, même avec des garçons beaucoup plus âgés, comme Guido ouvrier de 39 ans. Malheureusement elle ne se protège pas et se met en danger en multipliant les partenaires, à une époque où la contraception médicalement assistée n'existe pas et où l'avortement est interdit. [...]
[...] Les relations parents-enfants sont dénuées d'affection et le matérialisme prépondérant dans ce roman. Cette époque des années soixante est décrite de manière très réaliste, autant l'essor démographique que le développement social et la consommation qui en découle. L'urbanisme propre à cette époque vise à loger les classes sociales défavorisées, mais les constructions en blocs de béton ne laissent aucune possibilité à la rêverie et confinent toute une population dans une cité, une ville dans la ville. L'auteur évoque la création de ces grands ensembles qui répondent à une crise réelle du logement à cette époque, mais qui enlèvent à ses habitants la liberté de déplacement car ces quartiers restent peu équipés en transports en commun. [...]
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