Analyse d'un ouvrage spécialisé : DESMARAIS, Julie. Femmes tondues. France-Libération. Coupables, amoureuses, victimes, Québec, Presses du l'Université Laval, 2010, 152 p., coll. « Autour de l'événement ».
[...] Cette vision sexuée de la nation fait que les tondues sont exclusivement des femmes. Si un homme couche avec une allemande, il est quant à lui un héros, ainsi que le met en scène Robert Sabatier dans «La Souris Verte ». La tonte marque donc aussi le retour des hommes, qui reprennent leurs rôles tandis que les femmes doivent reprendre leurs responsabilités d'avant-guerre. L'auteur conclut cette deuxième partie en évitant des affirmations qui pourraient sembler exclusivement « féministes », et précise que les tontes sont surtout liées à un contexte qui a amené les Français à adopter un comportement irrationnel au moment de la Libération. [...]
[...] Toutefois, un autre phénomène a son importance : l'accommodation. Il s'agit d'une collaboration de masse, commise par des gens ordinaires pour de nombreuses raisons qui vont de la certitude qu'il n'existe pas d'autre choix, à une sympathie pour les idées nazies. La grande majorité des Français, attentiste et passive, se caractérise par cette pratique de l'accommodation. Les conditions de vie pendant les années de guerre sont également à prendre en considération : les problèmes de ravitaillement, le rationnement, les communications coupées, les journaux qui ferment, l'interdiction d'écouter la radio, mais aussi la peur constante des bombardements et, à la fin, des représailles (le massacre d'Oradour sur Glane par ex.), tout cela explique qu'après quatre années d'Occupation, les Français sont épuisés, affamés et affectés par la malnutrition. [...]
[...] La mise en garde, par exemple sous forme d'articles dans les journaux, tout au long de la guerre, est le préalable sur lequel va reposer la mise en scène subie par les femmes tondues. La plupart des tontes se produisent à la Libération, marquant ainsi les esprits et la mémoire collective. Elles ont toujours lieu devant une foule massée dans des lieux qui rassemblent la communauté (rue, place publique, mairie). A chaque fois, ce sont les hommes qui vont chercher les femmes à leur domicile. [...]
[...] Les hommes français (soldats, déportés, juifs) ayant laissé un vide dans leur communauté, les femmes deviennent alors des « chefs de famille ». Si le Gouvernement de Vichy les incite à investir le marché du travail pour soutenir l'effort de guerre, il organise aussi - et paradoxalement - la Révolution Nationale qui voue un culte à la mère au foyer et présente la femme idéale comme une «Pénélope » modèle. Dans le même temps, les soldats allemands investissent le pays. [...]
[...] La foule participe ensuite activement aux représailles, amplifiant ainsi l'aspect humiliant du rituel. L'évènement se termine, dans la plupart des cas, par un défilé des femmes tondues dans les endroits publics de la ville, afin de donner une visibilité supplémentaire à l'épuration, auquel s'ajoute aussi parfois la prise de photographies. Après le rituel des tontes, les femmes rentrent chez elles ou sont, pour certaines, envoyées en prison. Si Julie Desmarais s'interroge ensuite sur les raisons qui ont amené à tondre des femmes, c'est parce qu'au départ, d'un point de vue militaire, politique et économique, les gestes dont les femmes tondues sont accusées n'exercent pas d'influence sur l'Occupation. [...]
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