LUCILE DESBOIS : J'ai du mal à comprendre les éditeurs qui publient des textes des XVIème et XVIIème siècles : pourquoi se consacrer à des auteurs dépassés alors qu'il y a aujourd'hui tant d'écrivains de talent ? Plus personne ne comprend les auteurs anciens. Pour comprendre Tartuffe, les pauvres lycéens sont aujourd'hui obligés de passer des heures à faire des recherches sur la compagnie du Saint-Sacrement, sinon ils ne perçoivent pas les véritables enjeux de la pièce. Et qu'est-ce que cela leur apporte ? Le plus souvent cela ne fait que les dégoûter de la littérature, qu'ils voient comme une discipline poussiéreuse, coupée de leurs préoccupations !
GARANCE PREVERT : Comment peux-tu dire que la littérature est poussiéreuse ? Même s'il ne connaît pas les références historiques auxquelles les oeuvres peuvent faire allusion, cela n'empêche pas le lecteur de se reconnaître dans des situations universelles. La littérature met en scène des personnages symboliques : au-delà de la Didon des Héroïdes d'Ovide, de l'Hermione de l'Andromaque de Racine, de la Jeanne d'Une vie de Maupassant, on sent la douleur d'une femme abandonnée ! Même l'intrigue du Tartuffe est universelle : malheureusement l'intégrisme religieux n'est pas mort ! Les lycéens du XXIème siècle ne connaissent pas la compagnie du Saint-Sacrement, certes, mais du moins connaissent-ils une amie dont le père exige qu'elle porte le voile. A. Mnouchkine, dans sa mise en scène de la pièce de Molière n'hésite pas à vêtir les personnages comme des intégristes musulmans.
LUCILE DESBOIS : Même ainsi transposée, la pièce n'en reste pas moins une pièce d'un autre temps... La langue de Molière, la langue classique est aujourd'hui incompréhensible ! Qui sait ce que désigne l'expression « un cagot de critique » ? (...)
[...] Ce n'est pas forcément le sens qui prévaut en littérature, il faut aussi songer à la musique des mots. Rappelle-toi l'injonction de Verlaine: De la musique avant toute chose Cendrars obéit joyeusement à ce mot d'ordre, dans un poème intitulé Académis Médrano ou il compare le poète à un danseur. Au vers on trouve ainsi un jeu de mots sonore: Les affiches se fichent de toi C'est moins ici le sens que le cliquetis sonore qui compte. Alors peu importe le sens du vers et peu importe l'époque: toute oreille peut savourer cet entrechat phonétique! [...]
[...] GARANCE PREVERT: Comment peux-tu dire que la littérature est poussiéreuse? Même s'il ne connaît pas les références historiques auxquelles les œuvres peuvent faire allusion, cela n'empêche pas le lecteur de se reconnaître dans des situations universelles. La littérature met en scène des personnages symboliques: au-delà de la Didon des Héroïdes d'Ovide, de l'Hermione de l'Andromaque de Racine, de la Jeanne d'Une vie de Maupassant, on sent la douleur d'une femme abandonnée! Même l'intrigue du Tartuffe est universelle: malheureusement l'intégrisme religieux n'est pas mort! [...]
[...] Deux interlocuteurs confrontent leurs points de vue sur la littérature. Pour l'un, toute œuvre littéraire, même si elle appartient au passé, parle aux hommes d'aujourd'hui. Pour l'autre, une œuvre littéraire ne peut être composée et appréciée que par des lecteurs contemporains de l'auteur. LUCILE DESBOIS: J'ai du mal à comprendre les éditeurs qui publient des textes des XVIème et XVIIème siècles: pourquoi se consacrer à des auteurs dépassés alors qu'il y a aujourd'hui tant d'écrivains de talent? Plus personne ne comprend les auteurs anciens. [...]
[...] On dit de Victor Hugo qu'il était à la fois un poète et un homme politique. En effet, ces deux statuts ne se confondent pas tout à fait même s'il a écrit des poèmes engagés contre le second Empire, comme Chanson dans la section des Châtiments intitulée ironiquement La société est sauvée C'est en tant qu'homme politique qu'il dénonce dans ce poème un pouvoir sans légitimité, qui repose sur la violence des armes et non sur la justice, discours qui peut aujourd'hui nous laisser indifférents. [...]
[...] GARANCE PREVERT: C'est peut-être précisément que Victorien Sardou ne faisait pas de la littérature. Son succès, sa reconnaissance, il la devrait à sa fine observation de la bourgeoisie de son temps, à sa capacité à renvoyer à son public un miroir fidèle. C'est donc plus un sociologue qu'un écrivain. André Malraux disait avec beaucoup de justesse: Une œuvre naît dans son temps et de son temps, mais elle ne devient une œuvre d'art que par ce qui lui échappe Cette réflexion convient tout à fait à la littérature. [...]
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