Résumé de l'Ebook:
[...] Nous évitons soigneusement le terrain miné de nos relations conflictuelles. Avec beaucoup de précautions, je lui cite le nom de quelques uns de mes amis, mais presque jamais de telle ou telle de mes jolies Scandinaves. Je dois reconnaître, et c'est tout à son honneur, qu'à aucun moment il ne laisse échapper quelque signe que ce soit de son amertume à l'égard de ma mère, alors que celle-ci, à une certaine époque, ne s'est pas privée de me prendre constamment à témoin de ce qu'elle endurait. [...]
[...] Elle ne pose donc pas les mêmes problèmes. Comme la plupart des rejetons de la bonne bourgeoisie grenobloise, ma mère décide de nous faire apprendre le piano. Et pour commencer une carrière de soliste forcément prometteuse, mais qui se révèlera un échec absolu, nous passons une première année, à partir d'octobre 1940, à nous initier au solfège au Conservatoire. L'horreur ! Puis l'année suivante, nous passons aux choses sérieuses, sous la haute direction de monsieur Edinger, le directeur de ce même Conservatoire. [...]
[...] C'est toujours ma mère qui y pourvoit, mais seulement à dates fixes. Je pars donc de plus en plus souvent, seul, non pas animé par le désir d'accomplir un quelconque exploit sportif, mais par le besoin de m'évader, et par le plaisir de découvrir de nouveaux paysages, de nouvelles routes, et de me sentir libre. Pour être libre, je le suis vraiment, car personne ne me demande jamais où j'ai l'intention d'aller, ne serait-ce que pour savoir où me chercher en cas d'accident, ni ne s'enquiert à mon retour des routes que j'ai parcourues. [...]
[...] Je suis comme le détenu qui tente en vain, le dernier jour de sa peine, de se faire la belle, et qu'on finit par libérer normalement le lendemain. Je trouve ça humiliant. Hélas, mes poignets ressemblent à deux allumettes avec lesquelles personne ne serait fichu de faire du feu. Je lui en veux d'être aussi fort, en même temps que j'éprouve la sensation bien agréable de m'envoler vers le plafond, presque comme un oiseau. Je sais que je suis à sa merci, et cette constatation me terrifie. Qu'est-ce qui me prouve qu'il ne va pas me servir en rôti à ses invités ? [...]
[...] Comme en tout, Lola est infiniment plus appliquée que moi. Elle sera la seule de nous deux à jouer en public, lors d'une audition destinée à prouver au bon peuple des mères et des pères, persuadés qu'ils ont enfanté de petits génies, que monsieur Edinger est l'homme qui va révéler leurs dons à la face du monde. Pour ma part, lors de ces séances pianistiques quotidiennes, je m'applique à faire le maximum de bruit possible pour casser les oreilles de ma mère, afin de la punir de m'arracher à mes distractions favorites. [...]
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