Mouret est à la tête d'un empire, un grand magasin à l'enseigne évocatrice « Au bonheur des Dames », titre du roman de Zola. Dans ce onzième volume de la série des Rougon-Macquart, le romancier empreinte au darwinisme la loi selon laquelle les plus forts de l'espèce survivent (au contraire des petits magasins) et les moyens pour y parvenir sont ici évoqués : le capital sans cesse renouvelé, l'entassement des marchandises, la démocratisation du luxe, le bon marché qui attire. La Femme se trouve être la cible idéale des ambitions mercantiles du directeur. Le propos est acerbe, les expressions d'une férocité surprenante. Car au-delà de son désir de prospérité, de son talent même de commerçant, le langage utilisé pour parler du mépris de la ménagère semble ici parfaitement outrancier.
[...] Nous allons donc noter et étudier quelques-unes des expressions utilisées par Mouret pour évoquer la cliente, la Femme, par extension, à ce naïf de Baron Hartmann qui admire cet inventeur de cette mécanique à manger les femmes C'était la femme que les magasins se disputaient par la concurrence, la femme qu'ils prenaient au continuel piège de leurs occasions, après l'avoir étourdie devant leurs étalages Ils avaient éveillé dans sa chair de nouveaux désirs, ils étaient une tentation immense gagnée par la coquetterie, puis dévorée Manger dévorer pour Mouret, la femme, cliente, est un objet à engloutir, qu'il faut savoir tenter, flatter, considérer comme une reine amoureuse à qui il faut aussi savoir céder au moindre de ses caprices. Les images sont puissantes pour mieux accentuer la cruauté diabolique du commerçant, décrit comme un prédateur qui désigne sa proie : la femme. Les mots sont forts : piège, chair, dévorée, manger, mépris, mécanique, dédain, jeter en tas. L'argumentation repose sur l'utilité de séduire les femmes pour mieux les vider de leurs poches, et les rejeter ensuite. [...]
[...] C'est un viveur, collectionneur d'aventures, un spéculateur, même en amour. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas un hasard si Mouret ose de tels propos chez Mme Desforges avec laquelle il a rendez-vous et qui lui sert de pont-maîtresse L'amour et l'argent se confondent dans cette relation, d'où l'amertume, le dédain, de Mouret pour les femmes qui lui appartiennent Il veut en tirer d'elles sa fortune et son plaisir Le titre même du roman, l'enseigne du grand magasin, Au bonheur des dames nous semble d'ailleurs admirablement paradoxal. [...]
[...] Zola nous l'annonce, subtilement. Ce passage est une accroche par rapport au déroulement de l'intrigue. Le propos est volontairement cru, acerbe, voire choquant pour mieux alerter le lecteur sur ce qui va suivre. Car l'homme, ici Mouret, a aussi ses faiblesses . Ainsi, au-delà de son travail d'observateur, avec pour obsession, la seule description du réel, Zola accepte de faire une entorse à sa vision naturaliste du roman en donnant une ouverture plus grande sur l'humanité. Dans ce roman, l'auteur succombe ainsi à la tentation de la description d'une passion amoureuse. [...]
[...] Dans cet extrait, la phrase de Bourdoncle se glisse comme un indice : Vous savez qu'elles se rattraperont Mouret hausse les épaules, il n'était à aucune . Aucune, toutes lui appartenaient sauf Denise Baudu. Bourdoncle a bien senti quelque chose, une attirance, un trouble, le début d'une passion entre Mouret, le viveur, et la petite Normande, dont l'oncle tient une boutique qui se meurt peu à peu, écrasée par la prospérité d'Au bonheur des dames. Car Denise a été embauchée chez Mouret qui l'a remarquée. Bourdoncle se méfie de l'intérêt de Mouret pour une pauvre fille aux allures de paysanne. La passion amoureuse guetterait-elle Mouret ? [...]
[...] Zola, Au Bonheur des Dames, Chapitre III Mouret est à la tête d'un empire, un grand magasin à l'enseigne évocatrice Au bonheur des Dames titre du roman de Zola. Dans ce onzième volume de la série des Rougon-Macquart, le romancier emprunte au darwinisme la loi selon laquelle les plus forts de l'espèce survivent (au contraire des petits magasins) et les moyens pour y parvenir sont ici évoqués : le capital sans cesse renouvelé, l'entassement des marchandises, la démocratisation du luxe, le bon marché qui attire. [...]
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