Dès le début du roman, Gervaise est prisonnière du milieu du faubourg, entre un abattoir et un hôpital. Elle est abandonnée par Lantier et attend son destin, dans un monde clos et sinistre. La nature est absente de cet univers et Gervaise doit toujours supporter le regard des autres qui l'assiègent et la jalousent. Elle se sent écrasée face à la grande maison ouvrière aux « murailles grises, mangées d'une lèpre jaune » et dont la promiscuité annonce l'évocation hallucinante des immeubles prolétariens bon marché dans Voyage au bout de la nuit de Céline. Cette maison est un labyrinthe, et la cage d'escalier un puits noir. Tombée dans la déchéance, Gervaise doit loger dans « le coin des pouilleux » puis, misérable, s'installer dans une niche sous l'escalier, à la fin du roman. La crasse envahit tout, depuis le tri du linge sale au chapitre 5, jusqu'au moment où Gervaise ne se lave même plus. Outre la boutique de Gervaise à l'air putride, nous découvrons le lavoir où l'on s'affronte à coups de battoir ainsi que L'Assommoir, le café du père Colombe dont nous verrons plus loin la dimension mythologique : « travailleur morne, cuisant et muet » animé d'un ronflement intérieur, cette « machine à saouler » exerce une influence fatale sur le milieu ouvrier. Quant au quartier, il engloutit chaque jour sa ration de travailleurs, comme le Voreux de Germinal. Le Louvre, enfin, parcouru le jour de la noce, représente le temple de la culture bourgeoise et esthétisante, totalement étranger à la classe ouvrière.
[...] Comme l'alcool, la nourriture est un moyen d'évasion : elle permet de prendre du bon temps La noce et la fête sont des festins, mais peu à peu la misère l'emporte dans les derniers chapitres du roman, avec la faim. Contre l'aliénation, Gervaise cherche sans cesse des refuges, se mettant en ménage avec Coupeau. Au début du roman, elle convoite un trou un peu propre pour dormir Ensuite, la boutique apparaît comme un monde clos et familier : l'atelier de Goujet est protecteur. Mais la déchéance et le ramollissement mènent Gervaise au coin des pouilleux et à la niche du père Bru. Zola multiplie les scènes de la vie populaire. [...]
[...] L'alambic est une machine-monstre dont les mystérieuses entrailles fascinent : à peine entendait-on un souffle intérieur, un ronflement souterrain, c'était comme une besogne de nuit faite en plein jour.» D'autres machines-monstres sont présentes, par exemple dans l'atelier de Goujet. L'alcool distillé et avalé par Coupeau et ses amis, Boit sans soif et Mes bottes mène l'ouvrier au rang de l'animalité, autre univers mythique. Il parvient à la condition de cochon mot souvent employé par Gervaise. Coupeau est totalement dépendant de l'alambic et cette addiction s'apparente à une dévotion, à un culte religieux. [...]
[...] Zola, L'Assommoir 1. L'espace dans le roman 2. La structure dramatique et les personnages 3. Réalisme et mythologie 4. L'enjeu idéologique de L'Assommoir L'espace dans le roman Dès le début du roman, Gervaise est prisonnière du milieu du faubourg, entre un abattoir et un hôpital. Elle est abandonnée par Lantier et attend son destin, dans un monde clos et sinistre. La nature est absente de cet univers et Gervaise doit toujours supporter le regard des autres qui l'assiègent et la jalousent. [...]
[...] Zola ne distingue pas non plus sa voix de narrateur de celle de ses personnages. Il ne fait aucun commentaire extérieur à la manière de Balzac et emploie très souvent le style indirect libre. Souvent, Gervaise et Zola semblent penser à voix haute, inaugurant ainsi un type de roman parlé. L'intérêt du roman réside dans la métamorphose du réel et le dépassement du projet naturaliste. Zola utilise certaines figures mythiques primordiales, comme celle de la chute de Gervaise qui se laisse glisser dans la déchéance : même la saleté était un nid chaud où elle rêvait de s'accroupir Par ailleurs, les métaphores animales sont nombreuses dans L'Assommoir, comme le montre le choix des noms des personnages : Lerat, Poisson, Putois Les ouvriers apparaissent comme des bêtes de somme attelées à un collier de misère Gervaise veut seulement survivre comme un animal heureux. [...]
[...] De plus, fondant ainsi la tradition du roman populiste qui va se développer avec Charles-Louis Philippe, Eugène Dabit (Hôtel du Nord) et Céline, Zola emploie le parler populaire qui choque le bon goût bourgeois. Balzac et Hugo avaient déjà prêté attention à ce langage. Hugo avait raillé le bon goût, précaution prise par le bon ordre (William Shakespeare). Comme Céline plus tard, Zola retient les formes les plus significatives du langage populaire, en évitant toutefois de le restituer exhaustivement. Ce choix contribue à la vérité romanesque, sans se limiter à un simple parler pittoresque. [...]
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