L'association du roman gothique au genre du conte peut sembler de prime abord un peu étrange, dans la mesure où la féerie inhérente aux contes est, de toute évidence, absente du Château d'Otrante. Pourtant, s'il peut être qualifié de conte, c'est bien parce qu'il emprunte - sur une échelle toutefois relative - certains éléments constitutifs des contes traditionnels (...)
[...] Si Maurice Lévy affirme que Le château d'Otrante peut se définir en tant que conte fantastique - malgré l'apparence oxymorique que revêt cette expression, c'est bien parce que ce roman semble apte à recevoir les potentialités de ces deux genres. La réflexion portera donc sur les aspects constitutifs du conte pour ensuite évoquer l'apparition du fantastique, qui fait du roman de Walpole une œuvre composite, mélange de l'ancien et du nouveau : du romance et du novel, du merveilleux et du surnaturel. [...]
[...] A l'instar des personnages de contes, les protagonistes du Château d'Otrante, semblent pourvus d'un trait psychologique unique qui semble les figer dans leur essence pour toute l'histoire. Manfred se caractérise alors par son hybris, Théodore apparaît comme le chevalier blanc Hippolite comme l'archétype de la femme soumise. Les personnages définissent donc par leur absence de profondeur, inconsistance qui se retrouve jusque dans leur croyance au surnaturel puisqu'ils ne portent que peu d'attention aux événements étranges qui surgissent (apparition du heaume, portrait animé, spectres Manfred est le personnage qui écarte le pus tous ces aspects surnaturels puisqu'il est totalement aveuglé dans sa démesure par la réalisation de son projet : posséder Isabelle. [...]
[...] L'éloignement de l'esthétique du conte dans le Château d'Otrante se situe d'abord dans l'ambiguïté psychologique qui caractérise certains personnages, aspect révélateur du moment d'hésitation propre à la dimension fantastique. En effet, Jérôme Frédéric, ou encore Isabelle et Mathilde semble adopter une posture en double teinte puisqu'ils agissent parfois de manière ambivalente. Ainsi, malgré l'amitié qu'entretiennent les deux jeunes filles, une tension liée à une rivalité amoureuse vient nuancer le caractère univoque de leur relation. De même, Frédéric oublie provisoirement la noblesse de ses valeurs chevaleresques afin d'assouvir ses passions amoureuses envers Mathilde. [...]
[...] Il adopte en outre un schéma narratif présent dans l'écriture du conte, à savoir le procédé de la prophétie, qui apparaît dans le roman dès les premières lignes : une antique prophétie [ ] déclarait que le château et le Principat seraient enlevés à la dynastie actuelle, le jour où le propriétaire légitime serait devenu trop grand pour l'habiter Or, cette mise en scène laisse entrevoir d'emblée le destin des personnages ainsi que la réalisation du dénouement, rapprochant alors l'écriture du roman de celle du conte puisqu'elle n'octroie qu'une place limitée à l'instauration du suspense. Malgré cette présence incontestable de divers éléments du conte, un autre genre s'inaugure parallèlement, celui du fantastique. T. Todorov, reprenant le même présupposé que R. Caillois, définit ce genre de la manière suivante : Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel (Introduction à la littérature fantastique, Ed. du Seuil p. [...]
[...] Ces bavardages reflètent en effet un certain degré d'authenticité et suscitent un intérêt dramatique évident. Les propos versatiles de Bianca par exemple, instaurent des moments de suspense puisqu'ils interrompent l'action et créent un effet d'attente dans la révélation du phénomène surnaturel qu'elle vient de décrire : Je crains que mes cheveux Je suis bien sûre, de ma vie donc, comme je le disais à Votre Altesse [ ] Quelle patience ne faut-il pas ! s'exclama Manfred. Cette fille n'en viendra-t-elle jamais au fait ? [...]
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