En 1770, Denis Diderot profite d'un retour dans sa ville natale pour rédiger un récit de voyage de ce qu'il appellera son Voyage à Langres. Celui qui sera un an plus tard l'auteur de Jacques le Fataliste est en effet né dans cette ville de l'Est de la France (dans l'actuelle Haute Marne), à l'époque beaucoup plus proche de la frontière que de nos jours. Lorsqu'il écrit ce texte, il s'est déjà fait connaître à travers ses oeuvres pour sa véhémente opposition au régime politique du royaume, à l'époque où Louis XV commence à devenir le « mal aimé ». Ainsi, la publication en 1749 de sa Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient lui avait valu l'emprisonnement pour « crime d'expression ». En période de crise, le pouvoir royal qui avait succédé un demi siècle plus tôt à l'absolutisme de Louis XIV ne souffre alors aucune contestation, d'autant plus qu'elles viennent de toutes parts. Dans le récit de son voyage à Langres, Diderot, après avoir décrit le pays qui entoure la cité de son enfance, s'attache à montrer les charmes de la ville elle-même et de ses habitants tout en montrant les problèmes économiques et sociaux auxquels le Langrois est exposé en 1770.
Néanmoins, presque aucun des écrits du philosophe, même dans leurs formes les plus anodines comme le roman, n'échappèrent à ses pics anti-absolutistes ou anticléricaux (comme dans La religieuse, publié en 1760). Dès lors, on peut se demander si derrière une description de Langres qui pourrait passer pour banale à l'époque ne se cache pas en réalité une critique du régime politique et social en place.
On constate tout d'abord que Diderot évoque dans cette description de Langres des ressources, trop peu exploitées à son goût, que pourrait présenter n'importe quelle province française à l'époque. En conséquence, nous verrons en quoi le regard que porte sur sa ville natale celui qui fut l'instigateur de L'Encyclopédie est peut-être en fait un jugement qu'il applique à tout le royaume.
[...] Voyage a langres, de Denis Diderot En 1770, Denis Diderot profite d'un retour dans sa ville natale pour rédiger un récit de voyage de ce qu'il appellera son Voyage à Langres. Celui qui sera un an plus tard l'auteur de Jacques le Fataliste est en effet né dans cette ville de l'Est de la France (dans l'actuelle Haute Marne), à l'époque beaucoup plus proche de la frontière que de nos jours. Lorsqu'il écrit ce texte, il s'est déjà fait connaître à travers ses oeuvres pour sa véhémente opposition au régime politique du royaume, à l'époque où Louis XV commence à devenir le mal aimé Ainsi, la publication en 1749 de sa Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient lui avait valu l'emprisonnement pour crime d'expression En période de crise, le pouvoir royal qui avait succédé un demi siècle plus tôt à l'absolutisme de Louis XIV ne souffre alors aucune contestation, d'autant plus qu'elles viennent de toutes parts. [...]
[...] Cela dévoile ainsi les deux autres domaines dans lesquels se trouvent les élites sociales urbaines au XVIIIe siècle : une partie du clergé (les évêques et les chanoines dont parle Diderot au début du texte) ainsi que les titulaires de la magistrature et des offices (dont la charge, pour les premiers, anoblissait). La cité et le pays langrois sont donc présentés au lecteur comme une province typique de celles que l'on peut trouver dans le reste du royaume. Parallèlement, on peut relever la volonté de l'auteur de faire valoir certains charmes de Langres et de ses alentours lorsque l'on analyse la manière dont il les décrit. [...]
[...] Cela le conduit à porter sur les magistrats ce jugement, cette fois-ci non dissimulé par une quelconque ironie, qu'ils ne sont pas animés par le zèle du bien public Dès lors qualifiés ouvertement d'une inutilité que Diderot critique plus loin concernant le système éducatif anciennement en place, l'auteur invite le lecteur à s'interroger sur la légitimité sociale de ces élites qui, dans la ville de Langres comme dans les autres provinces, y [vivent] aisés Diderot ne se limite par ailleurs pas à une critique politique et sociale des magistrats mais à une remise en cause plus globale des élites et des notables traditionnels de la société française. Ainsi, tout le récit de son voyage à Langres, comme dans ses précédentes œuvres, est teinté d'un fort anticléricalisme. Il attaque ainsi sans détour le clergé catholique, sur ses privilèges mais aussi ses attributions sociales et politiques. [...]
[...] Dans le système du fermage, d'abord, qui engendre une précarité pour le fermier du fait de la difficulté à payer un loyer fixe à un propriétaire lors d'une crise de subsistance, par exemple. Les fermiers du Langrois sont dès lors contraints, selon Diderot, de vivre au jour la journée L'auteur évoque ensuite le problème de la parcellisation, qui est la cause d'une grande incohérence et en conséquence de grandes pertes de rendement dans toute l'Europe occidentale au XVIIIe siècle. En effet, les finages (circonscriptions où les seigneurs avaient un droit de juridiction et, par extension, domaines agricoles qu'un propriétaire met en fermage) étant jusqu'au XIXe siècle souvent très étendus, le travail du paysan consistant en un entretien régulier de ces parcelles s'en trouvait compliqué. [...]
[...] Dès lors, lorsque Diderot énonce les différents traits et les diverses mesures des autorités empêchant la mise en valeur du pays langrois, le lecteur de l'époque s'insurgera d'autant plus facilement que cette région lui apparaît comme charmante. Ainsi, le philosophe s'attache à montrer l'impossibilité, dans les conditions politiques et sociales de 1770, de mettre en valeur d'une part les campagnes aux environs de la cité et d'autre part la ville elle-même. En effet, le secteur agricole de Langres est régulièrement en crise du fait de problèmes structurels. Diderot en distingue deux majeurs. [...]
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