C'est par l'entremise de son cousin et amant Lytton Strachey que Duncan Grant fit la connaissance de Virginia Woolf, qui portait encore son nom de jeune fille, Virginia Stephen, et de sa sœur Vanessa. Il ignorait que cette dernière allait devenir sa compagne, et il aurait sans doute été étonné de l'apprendre, sa sexualité penchant depuis toujours plutôt vers les garçons. Lytton avait connu à l'université Clive Bell (le mari de Vanessa) et les frères Stephen, Adrian et Thoby. C'est par leur intermédiaire qu'il connaissait donc l'ensemble de la famille Stephen.
La scène se passe en 1907. Duncan Grant, qui n'a que 22 ans, suit alors des cours de peinture à La Palette et profite de la vie parisienne. En mars 1907, Lytton apprend que Vanessa et Clive Bell, en compagnie de Virginia et d'Adrian Stephen, forment le projet de visiter Paris au printemps. Il glisse alors dans une lettre destinée à Clive et datée du 22 mars une petite note pour Vanessa : « Ma chère Vanessa, écrit-il, peux-tu passer voir mon petit cousin quand tu seras à Paris ? Il en sera très heureux, et voici son adresse – Duncan Grant, 22 rue Delambre, Boulevard Raspail. » Lytton avait prévenu Duncan de l'arrivée du petit groupe. Il lui avait annoncé qu'il pourrait trouver leur compagnie amusante, mais qu'il pouvait aisément éviter de les voir trop souvent, si c'était contre sa volonté. Clive contacta donc Duncan par une lettre du 5 avril : « Voulez-vous venir vous chamailler avec nous sur les tableaux au Louvre ce samedi après-midi ? »
[...] Du fait du soutien que Vanessa, Helen Anrep et Duncan apportaient à l'école, elle était souvent considérée comme une sorte d'excroissance du groupe de Bloomsbury. Pourtant la philosophie artistique qu'elle propageait ne correspondait pas à leur manière de travailler. Les touches calligraphiées et les couleurs soutenues par Duncan Grant étaient même à l'opposé du réalisme objectif, de l'observation précise et du traitement sans emphase prônés par Euston Road. En novembre 1937, Virginia Woolf se rendit au vernissage de l'exposition Duncan Grant à Agnew's. [...]
[...] Il avait entendu parler de l'amusement causé par Lytton chez les Bell quand il leur avait lu à haute voix trois de ses poèmes indécents, dont l'un d'entre eux, Morning Lust (Désir du matin), avait tout particulièrement enchanté Vanessa. N'est-ce pas un trio scandaleux ? écrivit Duncan à Maynard Keynes, son amant à la même époque, dans sa lettre du 31 juillet 1909. La passion de Duncan pour Maynard, comme toutes les passions, surtout celles de Duncan, ne dura que peu de temps. Mais elle se transforma en une grande et durable amitié. [...]
[...] La littérature, pour Virginia Woolf, a souvent un effet contraire, déstabilisant, inquiétant. Virginia Woolf, quand elle écrit, ne trouve pas les réponses à ses questions profondes. Elle ne trouve que des questions supplémentaires. Duncan, quand il peint, dissout les questions. Mais Duncan a eu la chance de trouver Vanessa sur sa route, Vanessa qui a su d'une certaine manière se sacrifier pour lui. Virginia a trouvé en Leonard un mari attentif, mais parfois sans doute inadapté, d'un pragmatisme trop éloigné des préoccupations profondes de ce grand écrivain sacrifié pour son œuvre. [...]
[...] C'était une pièce de proportions agréables, avec de grandes fenêtres qui regardaient le square. Elle avait un tapis vert, des rideaux en brocart rouges ; un Portrait de Dame hollandais et le portrait de Leslie Stephen par Watt étaient les seuls tableaux aux murs. Au fond de la pièce, il y avait un instrument qu'on appelait un pianola, dans lequel on mettait des rouleaux de papier marqués de petits trous. On activait une soufflerie avec ses pieds et Beethoven ou Wagner apparaissaient. [...]
[...] Il est très difficile pour quelqu'un qui n'est pas un écrivain de tenter de décrire une chose aussi subtile qu'un sentiment aussi ancien. Mais je dois tenter d'expliquer pourquoi l'effet de ces personnes sur un contemporain était si remarquable. Pour commencer, ils n'étaient pas des bohémiens. Les gens que j'avais rencontrés auparavant et qui s'étaient coupés de toute existence respectable étaient surtout des peintres et des bohémiens. Si les Stephen défiaient les conventions de leur classe spécifique, c'était par honnêteté intellectuelle. [...]
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