Le XIXe siècle est marqué par une opposition entre la littérature engagée incarnée par Victor Hugo, qui prône la prépondérance du fond, et la littérature accordant le privilège à la forme, représentée par le mouvement Le Parnasse et son chef de file Théophile Gautier. Cette opposition est le résultat d'une différence théorique ayant opposé des générations d'écrivains, qui ont privilégié pour certains la forme (La Pléiade, les classiques…) et pour d'autres le fond (Voltaire, les écrivains engagés lors des guerres de religion…)
C'est dans ce contexte qu'évolue Baudelaire, poète du XIXe siècle qui se fit tout d'abord connaître par de longs articles de critique artistique et littéraire. La citation proposée est justement un exemple des théories que Baudelaire a pu tenir sur l'art ou la littérature, dans des ouvrages tels que Le Salon de 1845, Le Salon de 1846 ou encore Critique artistique et littéraire : exercice d'admiration.
Il insiste dans cet extrait de "Notes nouvelles sur Edgar Allan Poe" sur la contradiction qui réside selon lui entre la Vérité et la Poésie, déclarant que : « La Poésie ne peut pas, sous peine de mort ou de déchéance, s'assimiler à la science ou à la morale ; [qu'] elle n'a pas la Vérité pour objet [car] elle n'a qu'Elle-Même » et que « la Vérité n'a rien à faire avec les chansons. »
Il condamne ainsi toute forme d'enseignement dans la poésie. Ce postulat amène toutefois son lecteur à se demander s'il y a réellement une antithèse entre la Vérité et la Poésie.
[...] D'autre part, malgré le talent de ces poètes sur le plan formel, ces auteurs ne sont pas parvenus à s'inscrire en tant que classique dans la littérature, et rare sont aujourd'hui les lecteurs de Théodore de Bandeville, ou de José Maria de Heredia, ce qui est bien la preuve qu'il manque quelque chose à leur poésie pour s'inscrire au rang de chef d'œuvre: le fond. Par exemple, malgré tout le talent de José Maria Heredia, et les prouesses stylistiques accomplies dans Les Trophées sous la forme contraignante du sonnet, le manque de fond et l'aspect artificiel qui en découle fait que le talent du poète n'atteint pas le génie (confère l'analyse de D. [...]
[...] La thèse proposée dans le sujet, si elle semble pour l'instant vérifiée, n'est cependant pas inédite lorsque Baudelaire rédige ses premiers ouvrages critiques. En effet, la thèse exposée dans l'extrait proposé s'inscrit dans la lignée d'un débat enraciné dans la littérature depuis le XVIème siècle: le débat entre le fond et la forme, que René Huyghes, dans Pour une psychologie de l'art, dénomme la vieille opposition du fond et de la forme ce qui démontre bien son caractère immanent. Dès le XVIIème siècle, Furetière, dans Nouvelle allégorique ou histoire des derniers troubles arrivés au royaume d'Eloquence (1658) narre la guerre que se livrent deux royaumes: la princesse Rhétorique, souveraine du royaume d'éloquence, combat Galimatias, prince du royaume de pédanterie. [...]
[...] Leur ébranlement se compose, d'après une méditation antérieure, et ils se précipiteront en groupes magnifiques, sons purs, dans la résonance il exprime la fascination du lecteur devant un poème, que le lecteur non-poète ressent sans pouvoir la caractériser, la retranscrire par des mots. Grâce à la lecture du poème, le lecteur peut donc mieux comprendre ses sentiments et donc mieux se comprendre lui-même. De même, les poèmes défendant une opinion sont agréables au lecteur dans le sens où le poème s'adresse directement à lui. Par exemple, Paul Eluard, dans Courage écrit levez-vous cherchant à mobiliser les Français contre l'ennemi allemand. [...]
[...] Ensuite, la poésie et la Vérité sont bien deux notions antagonistes, puisque la Vérité, froide calme et impassible nuit aux charmes de la poésie. La thèse de Baudelaire n'est cependant pas, à ce stade, très originale. Elle s'inscrit en effet dans la lignée de la vieille opposition du fond et de la forme qui refait surface au XIXème siècle dans le cadre de l'opposition de la théorie de l'art pour l'art et de celle du poète tel que le définit Hugo, dont nous reparlerons ultérieurement. [...]
[...] En effet, il semble être plus large que Théophile Gautier dans son culte de la forme : alors que Gautier prônait l'inutilité Tout ce qui est utile est laid Baudelaire n'exclut pas tous les éléments liés au fond de la poésie. En effet, lorsqu'il écrit La poésie, pour peu qu'on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d'enthousiasme, n'a pas d'autre but qu'Elle-même il concède à la poésie le droit au lyrisme, à l'introspection, à l'émotion (puisque la locution pour peu que est ici synonyme de pourvu que, à condition que et ouvre donc la porte à une poésie un peu moins conventionnelle, plus épanchée et plus personnelle. [...]
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