« Pour un sorcier, dix mille sorcières » écrit Jules Michelet dans la Sorcière (1862). D'emblée, la pratique de la sorcellerie apparaît comme presque exclusivement féminine. C'est parce que la tradition religieuse fait de la femme un être impur qui subit les malheurs de son époque qu'elle est la première à être accusée de sorcellerie ; de fait, elle est considérée comme suspecte aux yeux d'une population qui craint ses pouvoirs ainsi que ses savoirs et traditionnels. L'image de la sorcière coïncide avec celle de la femme tentatrice, d'autant plus menaçante que l'Église cherche à imposer le célibat ecclésiastique. La sexualité est omniprésente dans la préparation des filtres d'amours comme lors des messes noires, où les femmes figurent nues et échevelées, dansent et s'accouplent avec ceux qu'elles désirent. Ainsi, Jean Boguet évoque, dans son Discours exécrable des sorciers (1602) que « Les danses finies, les sorciers viennent à s'accoupler. Le fils n'épargne pas la mère, ni le frère la sœur, ni le père la fille : les incestes y sont communs.[…] Je laisse à penser si l'on n'y exerce pas toutes les autres espèces de lubricité du monde. » Aussi, les pratiques nuisibles aux sacrements du mariage, aux sentiments et aux enfantements telles que « le nouement de l'aiguillette » et l'avortement font aussi d'elles des personnages redoutés, dont il convient de se débarrasser. Si la sorcière cristallise cette conception de la femme maudite et honnie, nous nous intéresserons à l'unicité et à la multiplicité de l'image de celle-ci au cours du Moyen Âge, et, de fait, à l'expression de l'exclusion et de la misère qu'elles reflètent. Ainsi, nous chercherons, au moyen des sources retenues, à dessiner les contours de cette croyance particulièrement ancrée dans les esprits.
[...] (Folio Histoire) PIOT Alain, La diabolisation de la femme : on brûle une sorcière. (L'Harmattan) Sources : BOGUET Henry, Discours exécrable des sorciers. (1602) [BNF] BODIN Jean, De la démonomanie des sorciers (1580) [ Centre d'Études Supérieures de la Renaissance Tours , consultable sur gallica.bnf.fr] INSTITORIS Henry et SPRENGER Jacques, Malleus Maleficarum [BNF & Bibliothèque de Colmar, manuscrit de 1582] LE FRANC Martin, Le Champion des Dames, Manuscrit sur papier 1451 [BNF, consultable sur gallica.bnf.fr] BOGUET Henry, Discours exécrable des sorciers.(1602) Rédigés par des magistrats, les manuels de démonologie recensant les pratiques et savoir-faire des sorciers se multiplient au début de la Renaissance. [...]
[...] Du fait de cette publication, les traités et théories démonologiques se multiplient, diffusant auprès des élites l'idée même de la sorcellerie. Mais si le Malleus Maleficarum donne des consignes extrêmement précises, tatillonnes, pour la conduite des interrogatoires et la recherche des preuves, il préconise aussi l'usage de la torture suivant certains cas. Si tant bien est qu'il devient particulièrement usité pendant les audiences, comme l'évoque Jules Michelet dans La Sorcière : Le Malleus qu'on devait porter dans la poche, fut imprimé généralement dans un format rare alors, le petit in-8. [...]
[...] La technique d'exposition est celle de la quaestio, familière à toute la scolastique médiévale. Le mécanisme logique se décompose ainsi : énoncé de l'argument, opinions contraires avec leurs autorités et leurs raisons, proposition adoptée, réfutation dialectique des raisons invoquées par les opposants, et, enfin, réponse à la question préalablement posée sous forme de ‘conclusion'. La rédaction semble avoir été négligée (de nombreuses confusions ont été signalées), et, si les références sont nombreuses, elles sont particulièrement imprécises, notamment celles faites aux textes bibliques, juridiques ou théologiques. [...]
[...] Unicité et multiplicité de l'image de la sorcière au Moyen-âge Pour un sorcier, dix mille sorcières écrit Jules Michelet dans la Sorcière (1862). D'emblée, la pratique de la sorcellerie apparaît comme presque exclusivement féminine. C'est parce que la tradition religieuse fait de la femme un être impur qui subit les malheurs de son époque qu'elle est la première à être accusée de sorcellerie ; de fait, elle est considérée comme suspecte aux yeux d'une population qui craint ses pouvoirs ainsi que ses savoirs et traditionnels. [...]
[...] Il semble que c'est pour cela que Platon met la femme entre l'homme et la bête brute.» Il prend au mot la loi de Moïse, qui condamne toute magie noire : Tu ne laisseras pas vivre la sorcière (Exode, XXII, 18). INSTITORIS Henry et SPRENGER Jacques, Malleus Maleficarum (1486) Il s'agit ici, malgré une publication qui s'est faite à l'orée de la Renaissance, de la source la plus éloquente quant aux pratiques des sorcières et l'identification de fait, la condamnation) de celles-ci. [...]
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