S'il ne nous reste, des manuscrits de la version de Béroul, qu'un manuscrit tronqué, il y avait cependant bien une version complète de la légende, si bien que la lecture de la version inachevée peut être décevante au point de vue diégétique. Aussi peut-on s'étonner de l'avis de Jacques Ribard, qui trouve dans cet inachèvement un élément signifiant pour sa lecture, et même une qualité. En effet, après avoir posé la question suivante : "Illusionnistes, illusionnés et désillusionnés, que peuvent espérer les amants ?", il affirme que, par cet inachèvement dû au hasard, le conteur, en évitant aux amants "l'échappatoire facile de la mort", est "plus vrai à cet égard que Thomas". Le thème de l'illusion serait ainsi central et l'inachèvement permettrait de forger un cadre spatio-temporel fermé, sans avenir, dans lequel les deux amants seraient enfermés dans une perpétuelle illusion sentimentale et littéraire, puisque leur vie y deviendrait abstraite et symbolique comme un jeu sans fin. Paradoxalement, c'est cette illusion et cet inachèvement, pour Ribard, qui rendent le roman "plus vrai". C'est autour de ces notions de vérité et d'illusion dans l'inachèvement qu'on peut relire le Roman de Tristan de Béroul, en se demandant, à partir du propos de Jacques Ribard, si c'est dans cette absence de fin que se situe la vérité du roman ?
Si en un sens la version de Béroul nous fait mieux toucher la réalité de l'illusion amoureuse en enfermant dans l'instant de leur passion les personnages, nous sommes cependant dans un roman destiné à s'achever, avec une temporalité propre, fictionnelle, qui nous fait sortir du "vrai" pour rentrer dans le merveilleux. Au-delà de cette opposition, en cherchant à définir en quoi un conte peut être "plus vrai" qu'un autre, on pourra repréciser la place de l'inachèvement dans le récit de Béroul, relisant alors le propos de Jacques Ribard dans une autre optique que celles du réalisme ou de la fiction : celle de la vérité du langage narratif, de la "vérité romanesque" (...)
[...] L'inachèvement et la circularité du récit sont symboliques de la passion qui se vit dans l'instant, hors du temps. transition : Mais peut-on vraiment se reconnaître dans les amants, s'identifier à eux ? Le thème de l'illusion, la circularité du récit et l'inachèvement du manuscrit évoquent des réalités de la passion amoureuse. Pour autant, est-ce bien dans cet inachèvement et cet art du paraître que se situe la (vérité( conte ? 3 II) Un conte partiel L'arrêt illogique du récit : la mort des félons délateurs devraient marquer une étape dans le récit. [...]
[...] p v.2201 et suivants : le médiateur du désir, sa réalité se révèle aux amants : la potion/passion qui a duré trois ans : le désir n'est plus dans l' illusion romantique, les amants sont désillusionnés leur désir peut devenir autonome et affirmer son infinité, ce qui rend leur amour unique et inimitable. Vs. romantisme (but mimétique avoué) de Thomas ? : Manuscrit Sneyd v à la fin : pour offrir un modèle et pour embellir l'histoire afin qu'elle puisse plaire aux amants et afin qu'ils puissent se souvenir d'eux- mêmes ; La naissance d'un mythe ? [...]
[...] A la parole rationnelle (logos) de Thomas qui veut écrire une consolation envers l'inconstance, ( ) envers la douleur, envers tous les pièges de l'amour (Manuscrit Sneyd vv. 54-57), s'oppose la parole qui raconte (muthos) du récit de Béroul : un récit sur la source du désir, qui se dirige vers la mort des amants, mais ne conclue pas. Conclusion On l'a vu, pour Jacques Ribard, l'intéressant n'est pas la fin, qu'on connaît, mais bien les détails de l'histoire, la façon de la raconter, la vérité du texte. [...]
[...] On sait que par la suite Tristan s'exile et épouse une autre Iseult. On a ici un récit incomplet, non pas plus ni moins vrai que d'autres. Un récit en mouvement : si les personnages tendent à rester dans un présent sans évolution, on a en revanche un récit qui confronte ces amants au déroulement du temps: ils ont un passé et un avenir. ex. v (p. 161) : Oiez des trois, que Dex maudie! , v (p. [...]
[...] v.2220 (Iseult en parlant de la potion) Mex ne nos pout-il pas deçoivre (il était impossible de nous tromper davantage ) : la potion, bien réelle, a créé un amour factice ou alors l'amour est bien réel et la potion une excuse inventée par les amants ? Réalité de l'obstacle, à la fois frein à la réalisation du désir et motif de son augmentation : la mort échappatoire facile réunirait les amants, alors que le récit se nourrit de leur séparation. ex. pour que l'amour continue après la fin des effets de la potion, les amants doivent se séparer. Universalité de l'inachèvement : le roman rend d'autant plus véridique la description de la passion que le récit est inachevé. ex. [...]
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