Le terme « tragédie » (« tragedy »), n'apparaît qu'une seule fois dans The Autobiography of Miss Jane Pittman, précisément au chapitre intitulé « An Old Man », à la fin du premier livre, et le concept y est immédiatement lié à la notion d'Histoire puisqu'il est associé au personnage de Robert Edward Lee, héros de l'armée confédérée pendant la Guerre de Sécession lorsque le vieil homme parle de « Lee done surrendered and back at West Point teaching more gorilla tragedy ». Si le mot n'est employé qu'à une seule reprise, force est de constater, pourtant, que le roman est ponctué d'épisodes qui correspondent en de nombreux points à la définition littérale de la tragédie. A plusieurs moments dans The Autobiography of Miss Jane Pittman, des personnages prennent conscience de leur destin, de son inéluctabilité et de la fatalité qui pèse sur leur vie, leur nature ou leur condition même. La tragédie est également présente dans cette histoire au sens figuré dans la mesure ou nombre d'événements inspirent des émotions intenses chez le lecteur par leur caractère effrayant et funeste.
Or, ce qui semble justement peser sur le destin des protagonistes de ces tragédies plurielles dans la longue histoire de Jane, semble bien être le poids de l'Histoire, avec un « h » majuscule, celle qui est enseignée par Robert E. Lee comme par l'éditeur fictif de l'introduction et écrite dans les livres qui entourent le corps de Tee Bob dans la bibliothèque de « Samson House », le dernier chapitre du troisième livre, « The Plantation » : « But nothing in that library was go'n let him forget. Too many books on slavery in that room; too many books on history in there. »
Mais le monologue assertif du vieil homme du premier livre semble lui-même frappé d'emblée de caducité par l'irruption de l'oralité dans ce discours didactique. La faute de typographie sur le terme « guerilla », dont la prononciation est similaire en anglais à celui de « gorille », souligne, en effet, dans une ironie tragique cinglante les limites du discours blanc, intrinsèquement raciste jusque dans l'inconscience d'une prononciation, par conséquent inapproprié pour rendre compte de l'histoire de Miss Jane, donc de l'Histoire du peuple noir auquel elle donne sa voix.
Ainsi, nous nous demanderons comment Gaines, à partir du récit d'une tragédie historique, celle de l'Histoire des Noirs-Américains aux Etats-Unis entre la Proclamation d'émancipation de 1863 et la lutte des années 1960 pour les droits civiques, parvient en réalité, dans The Autobiography of Miss Jane Pittman, à écrire la tragédie de l'Histoire en tant que genre, officielle, écrite et blanche, face à son destin : la prise en compte du sujet noir.
Nous montrerons dans un premier temps en quoi The Autobiography of Miss Jane Pittman donne à voir la tragédie du peuple noir-américain à travers le récit d'épisodes tragiques mettant en jeu des protagonistes aux prises avec la Machine Infernale de l'Histoire Nord-américaine. Mais au-delà de cet aspect, nous tenterons de souligner en quoi, de manière plus globale dans The Autobiography of Miss Jane Pittman, la voie noire-américaine tracée par la voix de Miss Jane Pittman refuse la fatalité tragique de l'Histoire. Ainsi, il apparaîtra finalement que la véritable tragédie en scène dans The Autobiography of Miss Jane Pittman est bien d'avantage celle de l'histoire, avec ou sans « h » majuscule, donc celle, au sens propre comme au sens étymologique, de l'autorité
[...] An Old Man Book Tout est déjà joué dans cette réplique de Jane et celle du vieil homme qui la précède. A une voie toute tracée, imposée par une autorité représentée par l'âge et la culture répond une esclave illettrée et jeune. L'Histoire que présente le vieil homme est une série de répétitions again est répété incessamment) ponctuée par ce qu'il nomme en anglais des gorilla traged[ies] qui exclut toute possibilité d'échappatoire ou de changement. D'ailleurs, sa présentation construit une Histoire américaine silencieuse, sans identité nationale commune, dans laquelle la communication est impossible People in Arkansas ain't heard He don't understand Gaelic either etc) faute d'évolution du langage. [...]
[...] And it was my duty to go down there and clean up the place for you. To run a special pipe down there so you can have hyphen water. To run a special line of lectwicity down there so you wouldn't have to run out to the store for coal oil every day. I thought that was my duty at Samson. Is I done missed out on a C'est justement ce refus du schéma tragique qui semble constituer l'hubris dans The Autobiography of Miss Jane Pittman. [...]
[...] Ainsi, il semble que The Autobiography of Miss Jane Pittman, consacre la tragédie de l'Histoire en tant que genre, officielle, écrite et blanche, face à son destin : la prise en compte du sujet noir. En effet, dans le récit, le sujet noir passe de la domination initiale et de l'état d'esclave à celui de sujet à part entière. Symboliquement, dans un même mouvement, l'œuvre est une autobiographie fictive, soit la création d'une histoire subjective pour le peuple noir-américain. A l'inverse de l'autobiographie classique, où le sujet préexiste à l'histoire qu'il raconte, nous avons affaire ici, dans un mouvement inversé, à une création d'un sujet noir à part entière, par la voie/voix de l'autobiographie et le truchement fictionnel de celle de Jane. [...]
[...] Nous envisagerons enfin les dimensions cathartique et mythique de la fiction construite par Ernest J. Gaines. Dès l'ouverture matérielle de l'ouvrage, la dédicace souligne l'importance tout à la fois du thème de l'élévation contre l'ordre établi et de la posture érigée de l'être humain libre redondance rendue nécessaire par l'Histoire : “This book is dedicated [ ] to the memory of My beloved aunt, Miss Augusteen Jefferson, who did not walk a day in her life but who taught me the importance of standing”. [...]
[...] A plusieurs moments dans The Autobiography of Miss Jane Pittman, des personnages prennent conscience de leur destin, de son inéluctabilité et de la fatalité qui pèse sur leur vie, leur nature ou leur condition même. La tragédie est également présente dans cette histoire au sens figuré dans la mesure ou nombre d'événements inspirent des émotions intenses chez le lecteur par leur caractère effrayant et funeste. Or, ce qui semble justement peser sur le destin des protagonistes de ces tragédies plurielles dans la longue histoire de Jane, semble bien être le poids de l'Histoire, avec un h majuscule, celle qui est enseignée par Robert E. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture