Étude de la citation de Corneille dans son Discours sur le poème dramatique, à travers des oeuvres de la littérature européenne de l'époque, où il affirme, à propos de la tragédie : "Sa dignité demande quelque grand intérêt d'État, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l'amour, telles que sont l'ambition ou la vengeance ; et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d'une Maîtresse".
[...] En effet, le théâtre n'est pas un genre immuable et doit s'adapter à son temps, et à son public. Bien que les intérêts d'Etat la politique, la vengeance et l'ambition soient aujourd'hui encore toujours sources de succès, ils ne doivent donc pas être placés de façon systématique au premier plan. A une époque où la Fronde touche encore les Français, l'amour doit par exemple prendre cette première place. Le fait de n'avoir pas pris en compte cette volonté du public lorsqu'il écrit Tite et Bérénice éclipse ainsi Corneille de la scène, au profit de Racine. [...]
[...] Racine le fait par exemple très bien dans sa préface de Bérénice, en s'appuyant sur les règles-mêmes d'Aristote. En effet, à la sortie de sa pièce, il est vivement accusé de la considérer, à tort, comme une tragédie. On lui reproche notamment le fait qu'aucun des protagonistes ne meure à la fin, contrairement aux pièces d'Othello ou de Le Chevalier d'Olmedo par exemple : Bérénice, à vrai dire, n'est pas une tragédie ; il n'y coule que des pleurs et point de sang (Théophile Gautier). [...]
[...] L'esthétique classique se donne alors pour but d'imiter au mieux ces anciens, afin d'essayer, elle aussi, d'approcher la perfection. Ainsi, Corneille, dans son Discours sur le poème dramatique, reprend et développe La Poétique d'Aristote. En effet, dans cette dernière, l'auteur affirme que le sujet de la tragédie doit être une action noble ; c'est-à-dire qu'elle doit non seulement mettre en scène des personnages de haute condition et choisir un sujet biblique ou gréco-romain, mais surtout que l'intrigue doit avoir des répercussions collectives. [...]
[...] Comment s'applique l'esthétique classique d'un pays à l'autre? A partir de l'exemple de Le Chevalier d'Olmedo de Lope de Vega, d'Othello de Shakespeare et de Bérénice de Racine, nous allons donc étudier la façon dont est traitée la tragédie classique en Espagne et en Angleterre, en comparaison avec la France ; ainsi, nous verrons si les propos de Corneille concordent réellement avec ce qui se faisait à l'époque. Pour ce faire, nous verrons dans un premier temps que les intérêts d'Etat dont parle Corneille tiennent effectivement une place primordiale dans la tragédie ; néanmoins, nous verrons que l'amour en reste une notion essentielle, quasiment au même titre que la politique. [...]
[...] En effet, nos trois pièces sans exception mettent en scène une histoire d'amour : Bérénice raconte la séparation d'un couple, Titus et Bérénice, qui s'aime pourtant passionnément depuis cinq ans ; Othello est l'histoire d'un couple récemment marié que la jalousie va tuer ; et Le Chevalier d'Olmedo est une pièce consacrée à la naissance d'un couple suite à un coup de foudre, mais qui n'aboutira pas. L'amour impossible est donc ici au coeur de la tragédie ; on note d'ailleurs que le titre de nos pièces porte toujours le nom d'un des amants. [...]
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