En fait, il n'y a qu'un théâtre, le théâtre poétique, et c'est un signe regrettable qu'on ait abandonné l'expression de poème dramatique qui, d'Eschyle à Racine s'était imposée aux critiques et qui (sans qu'on s'arrête à l'opposition superficielle du vers et de la prose) s'applique à toute ?uvre ayant sa vérité, son unité, son harmonie, se suffisant à elle-même, n'obéissant qu'à ses exigences intérieures et ne cherchant qu'à se réaliser comme le miroir parfait d'une vision surréelle, comme l'expression fidèle d'un secret humain jusqu'alors voilé aux hommes (...)
[...] Doit-il être au contraire au plus proche du réel et se plier aux règles du genre. En fait, il est vrai que le théâtre est fondamentalement artifice mais il ne doit pas se perdre dans l'artificialité pour pouvoir émouvoir le spectateur, comme il doit savoir garder une certaine latitude vis-à-vis des règles et trouver un compromis entre particulier et potentiel symbolique. C'est peut-être dans cet entre- deux entre réalité et artifice, liberté face aux règles nécessaires contraintes nécessaires que l'œuvre théâtrale doit savoir se situer pour pouvoir continuer à nous émouvoir et à dire quelque chose des hommes. [...]
[...] A Touchard d'un théâtre proposant une vision surréelle et ne répondant qu'à ses exigences intérieures Dans un second temps, comment on a pu concevoir la nécessité de règles dans le théâtre, à rebours donc d'une œuvre n'ayant que ses exigences intérieures et comment on a voulu le rapprocher du réel, à l'opposé d'un miroir parfait d'une vision surréelle Enfin, nous tenterons un compromis entre ces deux thèses antagonistes, en cherchant à concilier cet aspect artificiel du théâtre et la volonté de dire le réel, la nécessité de règles et la volonté de liberté du dramaturge dans sa création. Une première définition que l'on pourrait donner d'un théâtre poétique serait celle d'un théâtre poétique de part l'attention qu'il porte au verbe, à la langue, et comment par ce moyen le spectateur entre dans un autre monde, se rapprochant ainsi de la vision surréelle évoquée par P.A Touchard. Ce sera l'ambition d'un dramaturge comme Giraudoux par exemple, auquel on accolera volontiers l'épithète de précieux On sait que c'est une tradition au théâtre d'inclure des effets de style. [...]
[...] Giraudoux s'inscrit dans cette tradition d'un théâtre littéraire. Le théâtre de Giraudoux apparaît notamment dans Ondine comme un pays de merveille. Cependant, ces jeux du langage et de l'imagination, qui éloignent quelque peu de la réalité des hommes permettent de l'élucider par la recherche et la révélation du cœur. Giraudoux vante la valeur culturelle et spirituelle du théâtre en ces termes : Le spectacle est la seule forme d'éducation morale ou artistique d'une nation. Il est le seul cour du soir valable pour adultes et vieillards, le seul moyen par lequel le public le plus humble et le moins lettré peut être mis en contact personnel avec les plus hauts conflits, et se créer une religion laïque, une liturgie et ses saints, des sentiments et des passions Giraudoux présente ainsi son théâtre comme un instrument de réflexion et de perfectionnement, ce qui nous rapproche de l'expression fidèle d'un secret humain jusqu'alors voilée aux hommes dont parle P.A Touchard. [...]
[...] On rejoindrait alors l'expression fidèle d'un secret humain jusqu'alors voilé aux hommes à laquelle permettrait d'accéder ce théâtre. Enfin, Pierre-Aimé Touchard parle d'un théâtre qui ne doit obéir qu'à ses exigences intérieures cela signifie donc qu'il prône un théâtre qui sache s'émanciper des règles que l'on a longtemps imposées au genre, théorisé à la différence du roman, par Aristote. Le théâtre est un genre fortement codifié dans ses structures, notamment par la règle de vraisemblance et celle des trois unités. [...]
[...] Le dramaturge, cité par ailleurs par P.A Touchard comme apparemment un représentant de ce théâtre poétique se pliant dans cette pièce à des exigences extérieures. On peut d'ailleurs trouver paradoxal que P.A Touchard utilise l'expression de poème dramatique pour évoquer un théâtre ayant sa propre unité alors que celui-ci est fortement codifié. On constate d'autre part au XVIIIème siècle une lassitude du spectateur devant les pièces mettant toujours en scène des personnages grandioses. Beaumarchais dira Que me font à moi, sujet paisible d'un état monarchique du XVIIIe siècle, les révolutions d'Athènes et de Rome ? [...]
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