Comme son nom l'indique, le théâtre renvoie à un phénomène visuel ; il est, étymologiquement, le lieu où l'on voit. Pourtant, c'est à l'encontre de cette idée commune que Giraudoux se place lorsqu'il écrit en parlant du Français en général: « Il vient à la comédie pour écouter et s'y fatigue si on l'oblige surtout à voir. En fait, il croit à la parole et il ne croit pas au décor ». L'assertion, dans cette structure binaire fonctionne de façon antithétique : au décor, Giraudoux oppose la parole, à la vision, l'ouïe, faisant ainsi du spectateur un auditeur. L'auteur dote ainsi le mot d'un pouvoir d'élucidation ; il reprend ensuite son propos: « Ou plutôt, il croit que les grands débats du coeur ne se règlent pas à coups de lumière et d'ombre, d'effondrements et de catastrophes, mais par la conversation (...)
[...] La scène classique est nue ; rien ne vient distraire du verbe. L'art théâtral se confond avec la tradition d'une belle langue, et ce, jusqu'au XIXème siècle. Même Diderot sépare ses discours sur la poésie dramatique de ses écrits sur l'acteur. Cette suprématie du texte est poussée à tel point que Musset, par exemple écrit ses pièces pour la lecture et non pour la scène, c'est l'idée d'Un spectacle dans un fauteuil (1833). Plus généralement, le drame romantique est indissociable de la dimension poétique. [...]
[...] La parole n'est plus l'élément déterminant de l'art dramatique. Se réclamant de Zola et du naturalisme, celui-ci renouvelle la mise en scène à qui il assigne la mission de reproduire jusque dans les moindres détails la réalité à l'intérieur de laquelle le dramaturge a situé son action. Mais c'est surtout au tournant des années 1960-1970 que la suprématie des auteurs prend fin et commence le règne du metteur en scène au point où la presse parle du Dom Juan de Vilar du Tartuffe de Vitez Ces derniers sont présentés comme des co-créateurs. [...]
[...] Cette affirmation de l'importance du mot n'a de sens que dans une situation communicative, nous dit Giraudoux. Le dialogue théâtral est, à la différence des symbolistes par exemple, modèle de celui, intérieur, du personnage. Il y a bien un passage qui s'effectue de chaque côté de la rampe, un mouvement de va-et-vient, extérieur et intérieur ; le spectateur branche [ ] ses soucis sur des conflits extérieurs, le ramenant ensuite vers sa vie intérieure afin d'en élucider les problèmes. Il a donc une fonction explicative, voire didactique. [...]
[...] Dans cette affirmation, Giraudoux se place du point de vue de la réception ; Il [Le français] vient à la comédie pour écouter [ ] il croit à la parole En effet, toutes les grandes œuvres dramatiques ont une qualité commune ; elles passent la rampe (Larthomas). Elles mettent donc en place une situation de communication avec le spectateur. La question que soulève l'affirmation de l'auteur est celle des moyens ; comment l'action discursive se met-elle en place ? Son point de vue est clair : le dialogue doit primer. Ce point de vue, qui semble renverser les idées préétablies s'inscrit au contraire dans une tradition. [...]
[...] Dans un grand nombre de pièces, la mise en scène apporte une signification, elle est porteuse de sens. Ainsi les fissures et le délabrement du palais de Bérenger Ier dans Le roi se meurt, s'aggravent- elles avec l'état de santé du roi, dont ils sont à la fois l'objectivation et l'extension. De la même manière, la première réplique d'En attendant Godot, rien à faire ne prend sens que dans un espace isolé, désert, le soir. La parole est jeté dans le vide et venue de lui. [...]
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