L'étude du théâtre révèle un art qui s'intéresse tout particulièrement à l'homme, à son existence et aux conditions de celle-ci. Le réel occupe donc une place importante dans la représentation théâtrale. Toutefois, le rapport à ce « réel » diffère selon les époques, les auteurs et les metteurs en scène. Diverses conceptions du théâtre cohabitent ou s'opposent, les uns prônant un théâtre réaliste, d'autres un art simplement vraisemblable, d'autres encore recherchent un miroir déformé et déformant, capable de transcender le réel et ses contraintes vers un nouvel impossible. Considérant le réel comme « ce qui existe effectivement » et « ne constitue ou ne concerne pas seulement une idée, un mot [ou] un signe » (ROBERT), nous nous demanderons s'il est exprimé dans le théâtre. Pour ce faire, nous analyserons tout d'abord les tentatives et aspirations à sa représentation scénique, puis nous nous pencherons sur l'invraisemblable et l'irréel au théâtre.
[...] Cependant, le théâtre oscille entre sa double limite : d'une part son incapacité à représenter un réel exact, d'autre part son impuissance à s'en libérer complètement. La scène reste une imitation du monde et l'acteur un homme. En somme, qu'il l'accepte ou la refuse, le théâtre conserve toujours une part de réel. Il convient alors de se demander quelle est la véritable nature de ce qui se déroule sur scène. Ni véritablement vrai, ni pure illusion, n'est-il pas un songe aperçu l'espace d'une représentation ? [...]
[...] Enfin, la structure même des œuvres dramatiques est anti-naturelle. Comment en effet concevoir un aparté dans la vie réelle ? Comme l'exprime d'Aubignac dans sa Pratique du théâtre : Il est fort peu raisonnable qu'un acteur parle assez haut pour être entendu de ceux qui en sont fort éloignés et que l'acteur qui en est bien plus proche ne l'entende pas Un problème similaire se pose avec le monologue. Il semble peu vraisemblable qu'une personne s'entretienne avec elle-même à voix haute et si explicitement qu'elle le fait au théâtre. [...]
[...] Le détachement du Prologue dans l'Antigone de J. Anouilh, puis l'apparition du Chœur, créent une distance entre représentation scénique et spectateur. Ce dernier n'assiste en effet pas directement à une scène mais à la reprise s'une scène passée dans laquelle s'immiscent des acteurs extérieurs qui commentent au fur et à mesure l'action. Dans ce cas précis, le spectateur peut se poser la question de son propre destin. Sa vie quotidienne n'est- elle pas un jeu observé et commenté par d'autres alors même qu'il la joue ? [...]
[...] Face à la diversité des théâtres, il semble difficile d'énoncer une loi commune quant à l'expression du réel. Les conceptions se superposent ou se repoussent au fil des époques, des auteurs et des metteurs en scène. Si certains dramaturges considèrent nécessaire un ancrage des situations dans le réel et le vraisemblable, d'autres s'en refusent et le transcendent délibérément. Le théâtre devient alors le lieu de la plus grande liberté, de l'imagination la plus folle (Eugène Ionesco). Il savoure sa capacité à vivre au-delà du réel, dans un univers nouveau qu'il est libre de créer de toute pièce. [...]
[...] Comme nous venons de le voir, le théâtre, et l'homme à travers lui, cherche à reproduire, avec une plus ou moins grande véracité, le monde dans lequel il évolue. Cependant, plus qu'un simple miroir des comportements et des situations, il peut être l'expression de l'invraisemblable et de l'impossible, au-delà du réel. En premier lieu, le réel au théâtre comporte ses limites. La scène demeure un espace artificiel et le jeu qui s'y déroule reste une représentation, une réplique du réel. Le théâtre prend corps dans un décor qui, aussi précis soit-il, reste du domaine de l'imitation. V. [...]
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