Dans cette scène, Tartuffe se révèle progressivement à Elmire ; cette révélation est profonde, si bien que la scène fait seulement sourire. Nous assistons à un affrontement feutré. Dans la première partie de la scène, Tartuffe a utilisé un ton plein d'onction qui ne permet pas à Elmire d'avoir prise sur lui. Il veut l'enrober d'une atmosphère de douceur, de piété, de dévote complicité qui lui permettra d'exercer sur elle une puissance dominatrice. Ce n'est pas facile, car Elmire a une personnalité douce mais forte, lucide, parfois caustique. Sa réplique précédente a obligé Tartuffe à devenir plus explicite et à faire sa déclaration.
Dans un premier temps, nous étudierons la dimension toute charnelle de cette déclaration, puis le langage mystique que la passion de Tartuffe emprunte pour se déguiser. Ce mélange étrange suscite un questionnement : quelle est donc la personnalité réelle de Tartuffe ?
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[...] [L'homme sincère] Dans l'interprétation de Louis Jouvet, Tartuffe apparaît comme un "homme sincère". Il a cru réellement en Dieu et le voit dans la femme : il essaie de justifier sa passion à ses propres yeux. Il aurait réellement éprouvé des remords, avant de s'en débarrasser par la casuistique. Dans cette perspective, Tartuffe serait une espèce de héros mystérieux maudit par un destin obscur. Mais cette interprétation est d'autant plus discutable, qu'elle contredit aussi bien la dimension comique que la dimension satirique de la pièce. [...]
[...] A la fin de sa tirade, il atteint le comble de la sincérité : "je vais être enfin, par votre seul arrêt, /Heureux, si vous voulez, malheureux, s'il vous plaît." Ce balancement entre "heureux" et "malheureux" ne peut laisser aucun doute à Elmire : c'est bien l'adultère que Tartuffe lui propose. Conclusion Dans cette tirade, c'est tout le savoir-faire d'un hypocrite consommé qui nous est donné à voir. Stratège impeccable, Tartuffe avance à pas feutrés, révélant progressivement sa flamme et ses exigences. [...]
[...] Tartuffe joue ici sur son autorité de directeur de conscience : puisqu'il dit qu'il n'y a rien de mal, c'est qu'il n'y a rien de mal 3. Du général au particulier : une approche progressive La déclaration de Tartuffe à Elmire est progressive, enveloppante ; elle monte insensiblement comme une marée. La proposition indécente se voile d'abord derrière un "nous" très général : "L'amour qui nous attache aux beautés éternelles/N'étouffe pas en nous l'amour des temporelles" Tartuffe est pour ainsi dire dissimulé à l'intérieur de ce "nous" vaste et indéfini, qui englobe tous les dévots. [...]
[...] En effet, pour arriver à ses fins, Tartuffe doit apaiser ses éventuels scrupules. Il le fait d'une manière simple et efficace, en affirmant que l'amour des créatures est une forme d'hommage au créateur. En bon hypocrite, Tartuffe ne craint pas de tenir un double discours : à Orgon, il prêche le détachement des biens de ce monde, tandis qu'à Elmire, il se fait l'apôtre d'une montée graduelle vers Dieu, l'amour de la créature étant le premier degré de l'échelle qui y monte. [...]
[...] Elle a un corps et un visage parfaits : il ne s'agit pas de son âme. Le mot "beauté" revient souvent dans le passage. Beautés éternelles, beauté, beau, beauté [demande pressante] Cette déclaration d'amour est aussi une mise en demeure : dans le dernier mot, Tartuffe se propose à Elmire, lui demande de prendre une décision et de tromper son mari. L'amour de Tartuffe est réaliste, et ne s'encombre pas de préliminaires : il s'agit pour lui d'atteindre son but le plus vite possible. [...]
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