Tamango, œuvre écrite en 1830 par Prosper Mérimée, est un récit très court, de vingt-cinq pages, mais très riche. Il aborde le sujet délicat et très exploité de l'esclavage mais par sa forme, il se distingue de la grande majorité des autres œuvres sur ce thème.
L'analyse du récit, de son caractère tragique et dramatique mais également l'attitude du personnage éponyme Tamango, bourreau de son propre peuple aux allures incontestablement grotesques, invitent à se demander si ce va-et-vient entre le tragique et le grotesque n'est pas un moyen pour aborder le thème de l'esclavage sous une forme plus originale, en proposant un récit aux allures de pièce de théâtre.
Le mot récit implique les idées de narration de faits réels ou imaginaires dans une intention écrite ou orale, alors que la dramaturgie suppose une mise en scène, une représentation scénique. Ainsi, les deux termes s'opposent, au-delà de la forme, par leur capacité à être transposé sur scène.
D'un point de vue formel, l'œuvre s'apparente à une dramaturgie, principalement en raison de sa relative brièveté. Elle met en scène un personnage principal, Tamango, autour duquel gravitent des personnages secondaires (Ayché, le capitaine Ledoux…). L'organisation du récit offre un point culminant, qui correspondrait à un troisième acte : lors de l'épisode de la mutinerie. L'épilogue du roman présente des caractéristiques dramaturgiques que nous essayerons de développer dans notre troisième partie.
[...] Par exemple, son attitude à la fin du roman n'est pas celle que l'on attendrait. En effet, aux pages 227/228, il atteint au sublime lorsqu'il se sacrifie pour sa femme, alors que tous deux sont en proie au désespoir et à la faim : Et il jeta sur le matelas, à côté de sa femme, la moitié d'un biscuit qui lui restait Est-ce la proximité de la mort qui le fait agir ainsi, où est-il finalement plus attaché à sa femme qu'à sa propre vie ? [...]
[...] Le caractère tragique du roman est bien entendu perceptible lors de l'épisode de la mutinerie sur le bateau. La barbarie y est omniprésente. Tels des bêtes sauvages à qui l'on aurait entr'ouvert les cages, les esclaves font fi de leur moralité et tuent sauvagement l'équipage blanc Le peu de matelots qui restaient essayèrent d'implorer la pitié des révoltés ; mais tous, jusqu'à l'interprète, qui ne leur avait jamais fait de mal, furent impitoyablement massacrés les Noirs, rassasiés de vengeance La tragédie réside dans le fait que les Noirs, eux-mêmes victimes des agissements barbares et immoraux des Blancs, n'hésitent pas à employer les mêmes moyens pour retrouver leur liberté. [...]
[...] Tamango est un récit, et pourtant il semble mis en scène comme pour une dramaturgie qu'en pensez-vous ? Un récit tragique Le contexte : vente d'esclaves et déportation La mutinerie générale L'hécatombe II- Tamango ou l'incarnation du grotesque La figure du cocu Un accoutrement ridicule (cf. Monsieur Jourdain) Des attitudes théâtrales III- Va-et-vient tragique/grotesque : détournement du véritable enjeu, l'esclavage Des marques du registre sublime Complexité du personnage Recours aux procédés dramaturgiques : originalité et nouveauté Tamango examina la boussole pendant longtemps en remuant les lèvres, comme s'il lisait les caractères qu'il y voyait tracés ; puis il portait la main à son front, et prenait l'attitude pensive d'un homme qui fait un calcul de tête. [...]
[...] Tamango arbore un habit des plus composites : Tamango s'était paré pour recevoir le capitaine blanc. Il était vêtu d'un vieil habit d'uniforme bleu, ayant encore les galons du caporal ; mais sur chaque épaule pendaient deux épaulettes d'or attachées au même bouton, et ballotant, l'une par-devant, l'autre par-derrière. Comme il n'avait pas de chemise, et que l'habit était un peu court pour un homme de sa taille, on remarquait entre les revers blancs de l'habit et son caleçon de toile de Guinée une bande considérable de peau noire qui ressemblait à une ceinture De plus, notre personnage éponyme n'hésite pas à accompagner cette tenue faite de hardes de récupération, des accessoires dignes selon lui des plus grands : Un grand sabre de cavalerie était suspendu à son côté au moyen d'une corde, et il tenait à la main un beau fusil à deux coups, de fabrique anglaise. [...]
[...] A la dérive, en plein océan, ces africains ignorants des exigences de la mer, errent au gré du vent, incapables de manier le matériel de navigation Jamais projet ne fut plus insensé. Ignorant l'usage de la boussole, et sous un ciel inconnu, il ne pouvait qu'errer à l'aventure Dans les tragédies classiques, les héros sont accablés par des forces transcendantes. Ici, Tamango et les siens sont face à des forces qui les dépassent, dans le sens où ils sont incapables de leur maîtriser, ou de les dominer. [...]
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