Théâtre, caraibes, Antilles, paroles, personnage, stéréotypes, dramaturges, metteur en scène, symbole identitaire, créole, français, littérature, Georges Mauvais, Lettres créoles, Chamoiseau et Confiant, idéologie, Jamaique, Antigone, Morrisseau, Victor Hugo, culture, contes, tradition orale, expressions
En 2003, la chercheuse jamaïcaine Bridget Jones met en évidence quelques caractéristiques du théâtre populaire antillais et insiste sur l'approche contestataire d'un héritage colonial dans l'intrigue, la présence de rites issus des croyances et religions locales et de l'importance du carnavalesque. Au sujet des personnages, elle pose deux éléments systématiquement présents : la figure de conteur au sens d'oralité du spectacle et la présence d'un microcosme articulé autour de la perception du monde caribéen, empreint de questions et de remises en cause sociale. Ainsi, à partir de ces caractéristiques précises, les personnages doivent nécessairement représenter cet aspect identitaire, de manière symbolique ou non, de sorte de représenter les conceptions intellectuelles qui sont faites du monde caribéen.
[...] Il ne faut toutefois pas prendre le théâtre antillais pour un théâtre coupé du monde. Il est au contraire un théâtre à mi-chemin entre plusieurs cultures, notamment européennes et créoles. La pièce de théâtre Andidan Lawonn-la, dans sa mise en scène par Gilbert Laumort, conceptualise une mise en relation de trois pratiques d'expression par les personnages : l'expression verbale, l'expression non verbale, et l'expression chorégraphique. De fait, ces trois modes d'expression sont juxtaposés par les acteurs, tous créoles, qui construisent une osmose antillaise entre les différents moyens d'expression. [...]
[...] Le théâtre est indéniablement plus enclin à transmettre une littérature d'idées en langue créole que ne peut l'être le roman, dont les contours plus figés ont engendré le recours presque systématique au français. Cette approche linguistique en fait également un vecteur de diffusion de la littérature dans les espaces populaires, au sens vernaculaire du terme. Les personnages donc symbolisent le maintien d'une oralité identitaire portée par la subsistance de la langue créole. Dans la pièce Agénor Cacoul de 1966, le dramaturge martiniquais Georges Mauvais met en relation des personnages européens et créoles qui, selon qui ils sont, s'expriment en français ou en créole. [...]
[...] Il s'agit d'un théâtre antillais pour les Antillais, et non pour les Européens. Ainsi, la revendication identitaire passe de manière symbolique par des personnages symbolisant ce qu'est la perception de la situation politique, sociale et culturelle aux Antilles. D'ailleurs, une forme d'intertextualité existe en ce sens avec la réécriture d'Antigone en créole par Morrisseau. Elle repose sur le même système de références à la culture identitaire créole, à travers cette fois-ci le burlesque. Chamoiseau s'est ainsi nettement inspiré de Morrisseau, tout en ôtant l'aspect burlesque et en réduisant la part de créole pour proposer une mixité. [...]
[...] Il s'agit ici d'une symbolique linguistique forte, qui montre l'importance de la langue des personnages du théâtre antillais. La figure du conteur : une place essentielle Enfin, le théâtre antillais, par son aspect populaire, est héritier des saynètes qui pouvaient lui préexister. Le personnage du conteur a fait le lien entre le passage de la saynète à un théâtre populaire plus long, structuré de manière à proposer des œuvres plus longues. En 1991, Chamoiseau et Confiant, dans leurs lettres créoles, mirent en évidence la place d'un personnage spécifique au théâtre populaire antillais : le conteur. [...]
[...] Selon les deux auteurs, le personnage du conteur est d'une importance capitale. Il symbolise l'histoire et doit la faire vivre par « son langage, ses intonations, ses onomatopées, sa gestuelle . ». Le conteur est ainsi un personnage symbolique qui ouvre sur les spécificités du théâtre antillais. Il est la porte d'accès à ce monde littéraire, tout en étant à mi-chemin entre la fiction et la réalité. Il est réel puisqu'il incarne de manière charnelle une pensée, une idéologie et une littérature, mais tient aussi de la fiction puisqu'il disparaît avec la fin de l'histoire. [...]
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