« Je suis » est un être humain. Pour autant, cette définition suffit-elle à une bonne connaissance de soi ? Des années de recherche en génétique ont apporté la preuve que non : chaque individu est unique et possède une combinaison allélique qui lui assure une spécificité en tout lieu et quelle que soit l'époque. Par ailleurs, « je suis » est un être conscient de lui-même et des autres, conscient d'exister. Or cette conscience implique une connaissance et un travail de réflexion : je suis ainsi en mesure de prendre conscience de mes préjugés, ou des limites de mon caractère ou des a priori de mon milieu social et de la société en général.
Il peut alors sembler que cette conscience de moi-même m'octroie d'emblée un privilège : celui de me connaître mieux que personne, et ce, quel que soit mon degré de connaissance du monde dans lequel j'évolue. L'introspection suffit et notre problème serait bien vite résolu.
Cependant, des siècles de philosophie et de sciences humaines semblent indiquer le contraire : se connaître soi-même est loin d'être une évidence, n'en déplaise aux défenseurs de l'individualisme et à l'humanité toute entière. Ainsi l'existence d'autrui apparaît être une condition de possibilité à la connaissance de soi.
Dans un tel contexte, est-il légitime de prétendre me connaître, ou bien, par quels mécanismes, au contraire, puis-je être étranger à moi-même ?
Il est en effet pertinent de suggérer, voire d'affirmer, que nous nous connaissons mal. D'une part, l'Homme continue d'être un mystère à sa société, en témoigne l'importance des sciences de l'individu (biologie, génétique, philosophie…), d'autre part, une connaissance parfaite et complète de soi impliquerait la remise en cause de disciplines comme la psychologie ou la psychanalyse qui reposent justement sur « cet inconnu » que nous sommes à nous-mêmes.
Mais alors, pourquoi tant d'interrogations autour du « moi » et, plus généralement, autour de l'être humain ? Et que signifie « être mieux placé » pour savoir qui l'on est ? Nous considérerons ici qu'il s'agit du degré de capacité à se connaître soi-même.
[...] S'il est certain que je suis un être pourvu d'une physionomie, d'un tempérament et d'une réflexion qui me sont propres, il n'est en revanche pas certain que je sois, dans le même temps, par moi-même et pour moi-même. Plus simplement, l'homme, parce qu'il est soumis à sa propre évolution et qu'il s'organise en société, n'est pas quelque chose dans l'absolu comme pourrait l'être une tasse à café par exemple : une tasse à café est, et demeure, un récipient destiné à recevoir du café, et ce, en tout lieu et quelle que soit l'époque. Il n'en va pas de même pour l'homme. [...]
[...] De plus, il est souvent bien difficile de se juger soi-même : l'homme est un être subjectif soumis à ses sentiments. Dans un élan de fierté, je pourrais me trouver serviable, poli, intelligent avant de me définir stupide, capricieux et impatient dans une période de tristesse et de doute. Notre pessimisme, au même titre que l'optimisme qui nous caractérise parfois, nous conduit à fausser les jugements que nous faisons sur nos propres actions et par de là, à nous tromper sur nous-mêmes. [...]
[...] Sa découverte du système héliocentrique, plus qu'un enjeu scientifique, révolutionne toute la philosophie de l'époque, fondée sur la religion chrétienne, c'est-à-dire la vision de l'Homme comme un être exceptionnel envoyé par Dieu sur la Terre. Dans ce nouveau schéma qui est celui de l'astronome italien, et contre lequel les opposants sont nombreux, que devient donc l'Homme ? Et moi-même, qui suis-je alors et quelle est ma place ? Le généticien et humaniste Albert JACQUARD répond que Je suis cet élément de l'univers en mouvement, qui est dans l'autocréation et qui me permet du coup de me définir autrement. Oui, mais comment ? [...]
[...] Certes, les autres me perçoivent, mais il n'en est pas un qui puisse affirmer que j'existe en dépit de moi-même. En effet, l'unique preuve de mon existence supposée réside en ma propre conscience d'être et d'exister, et celle-ci n'appartient qu'à moi. Il n'y a là aucune contradiction avec les énoncés précédents dans la mesure où être conscient qu'on existe ne signifie pas forcément que l'on sait qui l'on est. Ce n'est pas parce que j'ai conscience d'un objet que je connais les propriétés et l'ensemble des caractéristiques de cet objet. [...]
[...] En effet, il est difficile de se connaître sans méconnaître cette part maudite où ce "misérable petit tas de secrets [est] caché non aux autres, mais à moi-même L'expression Suis-je le mieux placé présuppose que, quoi qu'il en soit, nous avons accès à une part de connaissance de nous-mêmes. Cette affirmation est confirmée par notre pensée dont nous seuls avons l'accès et c'est justement cette connaissance partielle du Moi qui nous incite à aller encore plus loin, à approfondir l'image que nous pouvons avoir de nous- mêmes à travers nos opinions et nos idées. [...]
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