Dans le chapitre 6 du volume V de Vie et opinions de Tristram Shandy, le narrateur interrompt le discours de Walter Shandy sur la mort pour exposer au lecteur un des « mouvement étranges » qui régit la famille Shandy : tout discours qui se tient dans le salon trouve, au même instant, son équivalent dans la cuisine. Le passage que nous allons étudier semble illustrer ce principe puisque la scène se tient dans la cuisine et nous expose la réaction des domestiques à l'annonce de la mort de Bobby, le frère aîné de Tristram .Ainsi les chapitres 7 ,9 et 10 du livre V sont essentiellement constitués d'un dialogue entre Obadiah, Susannah, la cuisinière, le cocher Jonathan et Trim lequel improvise un discours sensible sur la mort .Le narrateur prend part à ce dialogue en le commentant. Au chapitre 8, il l'interrompt même pour s'acquitter d'une dette contactée auparavant auprès de son lecteur. Ce passage s'inscrit à la fois dans la continuité de la narration mais également et surtout dans la rupture tant sa progression est imprévisible. Il semble en effet que dans les chapitres qui nous intéressent, tout est prétexte à bousculer les traditions romanesques. Quels sont les enjeux de ce passage ?
[...] C'est en effet le narrateur qui orchestre la scène. Il intervient pour éclairer et préciser ou même interrompre le jeu des personnages, comme le ferait un metteur en scène. L'exemple le plus parlant est sans doute le commentaire auquel il se livre à propos du chapeau de Trim au chapitre VII : Rien n'en pouvait mieux exprimer la mort que ce couvre-chef, son image et son annonce ; la main qui le soutenait parut s'évanouir [ ] un chapeau peut tomber de dix mille façons, et de dix milles fois dix mille façons sans produire aucun effet. [...]
[...] Le narrateur le provoque en substituant des chapitres jugés immoraux par des chapitres qui le sont encore plus. En effet, les chemises de nuit vertes et les vieux chapeaux désignent respectivement en anglais argotique des prostituées et les parties génitales de la femme. Le narrateur impose sa loi et entend former son lecteur en lui refusant la facilité de la seule intrigue linéaire. Ainsi il lui apprend à lire entre les lignes et le dirige dans sa lecture : je prie donc vos Grâces de lui accorder quelque attention (chapitre VII ; p.323). [...]
[...] A la lecture des chapitres et 10 du livre il apparaît de façon évidente que ce passage emprunte au théâtre de nombreux procédés. La théâtralité de cette scène donne à voir des personnages en représentation, guidés par un narrateur qui fait office de metteur en scène. Le choix du dialogue comme mode d'exposition des personnages, les nombreuses indications gestuelles et l'accent mis sur les accessoires sont autant d'indices qui mettent en lumière la filiation théâtrale. De même, l'utilisation du registre comique et de ses nuances semble inspirée de la comédie. [...]
[...] Ce passage s'inscrit à la fois dans la continuité de la narration mais également et surtout dans la rupture tant sa progression est imprévisible. Il semble en effet que dans les chapitres qui nous intéressent, tout est prétexte à bousculer les traditions romanesques. Quels sont les enjeux de ce passage ? Nous verrons tout d'abord que cette scène pose la question du genre. Puis nous étudierons les enjeux philosophiques du passage et enfin nous verrons que ces chapitres mettent à distance le roman et ont, par conséquent, un enjeu réflexif. [...]
[...] Shandy reviennent à sa domestique. Cette plongée dans la conscience de Susannah permet au narrateur d'établir un lien entre les pensées de cette dernière et la philosophie de Locke. En effet suite à cet examen de conscience le texte fait explicitement référence au philosophe anglais : Locke pouvait avec raison écrire un chapitre sur l'imperfection des mots (chapitre VII ; p.322) Ici, le narrateur fait allusion à l'ouvrage de Locke intitulé Essai sur l'entendement humain dans lequel il soutient notamment la théorie associationniste. [...]
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