Dans l'oeuvre de Stendhal, on se plaît souvent à distinguer La Chartreuse de Parme des autres romans. Ainsi, Maurice Bardèche fait de La Chartreuse de Parme un miracle, un événement qui ne s'est produit qu'une seule fois dans la carrière du romancier. Gilbert Durand lui aussi, dans Le Décor mythique de La Chartreuse de Parme fait de ce roman le couronnement de l'oeuvre de Stendhal.
Et, en effet, comment nier que le dernier grand roman de Stendhal soit un des sommets de l'art de l'auteur, et même de la littérature en général ? Stendhal l'écrit d'une traite pendant les derniers mois de 1838 : il rédige, dicte, corrige, enfermé dans son appartement du 8 rue Caumartin, ne laissant entrer personne chez lui afin de n'être pas distrait. Il réussit le miracle de La Chartreuse de Parme, « texte clos, fermé, parfait, qui se suffit à lui-même », selon Béatrice Didier, et cependant « essentiellement ouvert et [qui] semble, pour la durée de la lecture, délivrer le lecteur de la pesanteur du temps et du destin ». Comment, sinon expliquer, du moins comprendre une telle réussite ? La Chartreuse de Parme réunit une écriture à la fois maîtrisée et libre, un sens de la composition et du rythme inégalés ainsi qu'une bonne partie des thèmes chers à Stendhal. On retrouve ainsi la figure du jeune héros, Fabrice del Dongo, qui prend naturellement place aux côtés de Julien Sorel ou Lucien Leuwen dans le « panthéon » stendhalien ; le schéma du « roman d'initiation », les lieux stendhaliens, comme l'Italie, la prison, l'eau paisible des lacs, mais aussi les figures du père substitutif, des deux amantes « rivales », et même la politique. La Chartreuse se situe donc dans la continuité de l'oeuvre stendhalienne, et la notion qui résume le mieux les différents aspects de cette continuité est celle du sublime. Le mot en lui-même se retrouve sans cesse sous la plume de Stendhal, et dans La Chartreuse plus que jamais. Balzac, dans le grand article qu'il a consacré à La Chartreuse ne s'y est pas trompé puisqu'il introduit son propos par ces mots : « M. Beyle a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre ». Il note aussi, à la fin de son article, que le livre n'a pas « le caractère de perfection, le cachet d'irréprochable beauté » qui définissent selon lui les livres de Chateaubriand et de De Maistre ; ce trait est plus remarquable qu'il n'y paraît. Le sublime stendhalien est en effet presque contradictoire avec la rigueur et la beauté « classique » des livres que Balzac cite en exemple.
[...] Fabrice et Clélia vont alors mourir, dans ce climat de clair-obscur, comme si la fin de leur histoire restait voilée d'une brume légère, analogue à celle tombant sur le lac Majeur quand Fabrice y promène sa mélancolie. Est-ce parce que le récit de La Chartreuse de Parme est inachevé ? Peut-être est-ce simplement parce que le sublime ne peut se résoudre, ni l'idéal compris dans le sublime se trouver, autrement que dans quelques moments privilégiés plus ou moins étirés dans la durée. [...]
[...] Les eaux et le ciel étaient d'une tranquillité profonde (p. 160- 161). Cette splendide évocation, qui suit le rythme tranquille du cheval conduisant la sediola, où les sonorités se répondent comme naturellement (le de arbres et bois trouvant son écho dans noirs et feuillage le se retrouvant dans étoilé et voilé se termine sur une paix absolue, que la brume légère ne fait que renforcer (l'ouverture du dans la deuxième syllabe de l'adjectif légère qui renforce le climat apaisé de la scène). [...]
[...] Fabrice a un idéal, et c'est par cet idéal que peut se définir le sublime : atteindre les hauteurs, s'élever pour justifier son être, pour ne pas se donner uniquement la peine de naître L'importance de cette visée se lie d'ailleurs dans La Chartreuse de Parme avec une volonté des personnages d'être toujours en hauteur, au-dessus des autres hommes. Cette volonté, jointe à un destin qui la favorise sans cesse, amène presque naturellement les personnages à privilégier les monuments élevés, en particulier les tours La première occurrence de ce thème se situe dans le passage déjà cité où Fabrice retrouve l'abbé Blanès. [...]
[...] mais plutôt en mettant le fond de ce qu'il est en accord avec ce qui transparaît de lui pour les autres hommes. Hormis Fabrice, un autre personnage confirme que la naissance ou le titre héréditaire ne comptent pas vraiment, mais plutôt l'estime de soi, l'honnêteté vis-à-vis des autres et surtout de soi-même. C'est le comte Mosca qui fait en effet la proposition suivante à la Sanseverina : Mais me ferez-vous le sacrifice immense, ajouta-t-il en riant, de changer le titre sublime de duchesse contre un autre bien inférieur ? [...]
[...] 142), le sacre étant un oiseau de proie. Enfin, ce relevé ne serait pas complet si l'on ne mentionnait les oiseaux que Clélia nourrit, que Fabrice ne cesse d'admirer et qui sont, en quelque sorte, le premier moyen de communication entre les deux jeunes gens. Les personnages Le sublime stendhalien a partie liée avec la nature : le sublime, ce sont d'abord des lieux sublimes, en particulier les lacs, les lieux élevés. Cependant, les passages ne sont pas nombreux qui décrivent précisément ces lieux. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture