Le Spleen de Paris, un hémisphère dans une chevelure, Charles Baudelaire, 1869, appel lyrique, ailleurs onirique, poème, exotisme, théorie des correspondances, prosaïsation de Baudelaire
Dix-septième poème du Spleen de Paris, sous-titré "poème exotique", "Un hémisphère dans une chevelure" est le "doublet" en prose de "La Chevelure", poème versifié qui se trouve dans la section "Spleen et Idéal" des Fleurs du Mal de Baudelaire. "Poème-monologue", il procède d'une adresse à la femme aimée, représentée de manière métonymique par sa chevelure, symbole de la sensualité féminine. C'est pourquoi il se prête, chez Baudelaire, à l'évocation d'un abondant lexique des sens qui suscite l'appel vers l'ailleurs et l'onirisme.
[...] Le contact avec les cheveux est direct : l'homme plonge son visage dans la chevelure comme dans l'eau d'une source. Ce contact direct est marqué par l'adverbe de comparaison « comme », la comparaison étant la figure de style privilégiée de ce poème en prose. La réminiscence est produite par le contact odorant des cheveux. C'est leur parfum qui convoque le souvenir. Les 4e, 5e et 6e paragraphes utilisent le même procédé d'ouverture à l'aide de groupes prépositionnels : « dans l'océan de ta chevelure », « dans les caresses de ta chevelure », « dans l'ardent foyer de ta chevelure » : ils ancrent le voyage dans la chevelure même. [...]
[...] La comparaison est une figure de style qui permet de produire une amplification du poème, son déploiement, et ainsi de passer du vers à la prose. De même, les métaphores in praesentia sont un procédé récurrent dans la version en prose. Alors, que dans le poème en vers, la métaphore in absentia la « toison moutonnante » faisait appel à la la toison d'or et aux vagues de la mer et conférait une aura de mystère à la chevelure, ici « l'océan de ta chevelure » est beaucoup plus proche du réel et prosaïque. [...]
[...] Un hémisphère dans une chevelure - Charles Baudelaire (1869) - La dégradation de l'appel lyrique vers un ailleurs onirique Baudelaire brise l'onirisme qui pourrait naître de l'évocation de ce voyage à l'aide de plusieurs procédés qui rendent celui-ci impossible : la pauvreté lexicale de termes tels que « beau » navire, un adjectif simple, mais encore des termes incongrus dont la sonorité est désagréable à l'oreille. C'est le cas du « roulis », des « pots de fleurs », et des « gargoulettes » que l'on trouve dans le 5e paragraphe. [...]
[...] Ainsi « La Chevelure » devient « Un hémisphère dans une chevelure ». L'article défini singularise son objet et lui confère une valeur absolue, mais pas l'article indéfini. Celui- ci participe du projet de prosaïsation de Baudelaire. La chevelure, unique et absolue, devient une chevelure parmi tant d'autres. De même le sous- titre « poème exotique » renvoie-t-il à ce même projet, comme si Baudelaire avait voulu « étiqueter » son poème, dans une démarche qui nuit volontairement à la dimension mystérieuse qui est traditionnellement conférée à la poésie. [...]
[...] Dans « Un hémisphère dans une chevelure », le toucher et l'odorat se répondent. Le locuteur agite les cheveux de la femme « comme un mouchoir odorant ». L'apostrophe lyrique à la femme qui ouvre le deuxième paragraphe, à l'aide de trois exclamations en cascade (dont les deux dernières ne sont pas constituées par des phrases entières) procède de parallélismes : « tout ce que je vois », « tout ce que je sens », « tout ce que j'entends » qui font appel à la théorie des correspondances baudelairienne. [...]
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