L'apparition du sonnet dans le paysage littéraire français a représenté un bouleversement certain. Cette forme poétique particulière a entraîné de vives réactions dès ses premiers balbutiements français, au XVIème siècle. Joachim du Bellay lui consacre peu après une place dans sa Défense et Illustration de la langue française. Au siècle suivant Boileau s'interroge aussi sur les intérêts de cette nouvelle forme dans son Art poétique et y présente le sonnet de manière très dépréciative : « [...] Inventa du Sonnet les rigoureuses loix ; - Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille, - La rime avec deux sons frappast huit fois l'oreille [...] ». Ce regard sévère porté sur les règles imposées au sonnet se retrouve dans la critique moderne de Paul Claudel à l'égard des sonnettistes français : « Vous avez préféré cette tabatière à musique au grand orchestre qui se fait l'océan, la tempête et la forêt dans la fosse d'opéra, vous avez préféré ce corset d'épines à la cavalcade des symphonies, vous avez préféré ces menottes de rimes, ce panier à salade avec le marchepied des tercets [...] ». Ce procès que dresse Claudel contre le sonnet par l'usage de nombreuses métaphores violentes vise dans son ensemble à condamner la forme étroite de ce genre poétique dans toute son opposition avec la libération des mots, la liberté syntaxique. Nous allons ainsi prolonger cette réflexion afin de déterminer si le sonnet est, ou n'est pas, ce carcan poétique que condamne Claudel. Nous suivrons dans un premier temps la pensée de Paul Claudel en analysant l'enfermement lié à la forme du sonnet, pour dépasser ensuite cette vision formelle en étudiant toutes les potentialités internes à ce genre poétique. Enfin, nous constaterons que si le sonnet présente un cadre précis, ce cadre se prête aisément à diverses manipulations.
Si Paul Claudel taxe dans cette citation le sonnet de « menottes de rimes », lui reprochant sa forme rigoureuse et fermée, c'est parce qu'en effet le sonnet français obéit à une certaine esthétique de l'enfermement qui s'inscrit dans une période marquée par le goût pour les règles, le besoin de cadres stricts (...)
[...] Ainsi, utiliser le sonnet comme maillon d'une structure plus grande permet l'élargissement de ses possibilités et la flexibilité d'un cadre qui n'étouffe en rien les voix d'anges comme nous l'avons vu avec La Ceppède, ni l'inspiration poétique dans différents domaines, comme l'illustre l'œuvre de Joachim du Bellay. Après avoir étudié le sonnet dans des structures qui le dépassent, notons maintenant que malgré ses règles strictes, il représente aussi un espace ludique, un prétexte au divertissement. On va finalement jouer avec ces règles imposées, ce qui donne au sonnet une nouvelle dimension, bien plus large. [...]
[...] La concision y est de rigueur, puisque cette forme poétique ne comporte que quatorze vers. C'est une écriture de la brièveté, il faut dire beaucoup en peu de mots. Si la brièveté est un effet stylistique apprécié, elle n'en reste pas moins un carcan pour l'imagination, un barrage au déluge de mots Le sonnet, comme l'épigramme, permet finalement de bien dire, mais non pas de dire complètement. Thomas Sébillet, premier principal détracteur du sonnet français, lui reproche aussi sa ressemblance à la forme épigrammatique : Le sonnet suit l'épigramme de bien près, et de matière, et de mesure : Et quand tout est dit, Sonnet n'est autre chose que le parfait épigramme de l'Italien, comme le dizain de Français [ ] (Art Poétique français 1548). [...]
[...] Au siècle suivant Boileau s'interroge aussi sur les intérêts de cette nouvelle forme dans son Art poétique et y présente le sonnet de manière très dépréciative : [ ] Inventa du Sonnet les rigoureuses loix ; - Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille, - La rime avec deux sons frappast huit fois l'oreille [ ] Ce regard sévère porté sur les règles imposées au sonnet se retrouve dans la critique moderne de Paul Claudel à l'égard des sonnettistes français : Vous avez préféré cette tabatière à musique au grand orchestre qui se fait l'océan, la tempête et la forêt dans la fosse d'opéra, vous avez préféré ce corset d'épines à la cavalcade des symphonies, vous avez préféré ces menottes de rimes, ce panier à salade avec le marchepied des tercets [ ] Ce procès que dresse Claudel contre le sonnet par l'usage de nombreuses métaphores violentes vise dans son ensemble à condamner la forme étroite de ce genre poétique dans toute son opposition avec la libération des mots, la liberté syntaxique. Nous allons ainsi prolonger cette réflexion afin de déterminer si le sonnet est, ou n'est pas, ce carcan poétique que condamne Claudel. Nous suivrons dans un premier temps la pensée de Paul Claudel en analysant l'enfermement lié à la forme du sonnet, pour dépasser ensuite cette vision formelle en étudiant toutes les potentialités internes à ce genre poétique. [...]
[...] La strophe ou le sonnet dans son ensemble constituent des maillons de cette méditation, qui se déroule en trois temps : voir, élucider, et prier. La première étape fait appel à l'imagination pour se représenter la scène. Dans la seconde, le chrétien doit analyser cette scène pour en comprendre le but. Enfin, la troisième étape constitue le degré ultime de la méditation spirituelle, la prière. Le sonnet n'emprisonne plus ainsi l'idée mais sert de support à une réflexion théologique. Par exemple, la série des sonnets 37 à 40 remet en cause le processus linéaire et invite le lecteur à un travail de recomposition pour comprendre la prière. [...]
[...] En effet, aux vers 9 et 10, le sonnet prend un nouveau souffle en se libérant du système clos des quatrains, et en rebondissant donc sur une forme nouvelle. Cet endroit stratégique pour le poète puisqu'il ouvre la porte à des éventualités poétiques porte le nom de volta, ou charnière. Elle introduit les deux tercets du sonnet, qui, par leur accélération rythmique, semblent presque courir vers la fin. Le onzième vers à son importance puisqu'il introduit une nouvelle rime, qui conduit vers le quatorzième vers où tout doit se résoudre. Ces six derniers vers dont la souplesse paraît claire sont au contraire appelés vers de tambour par Claudel. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture