Pierre de Ronsard, un des pères fondateurs de la Pléiade, a dédié un recueil de poésie à Hélène de Surgères, une suivante de la reine, pour la consoler de la mort de son fiancé. Mais la jeune femme, peut-être encore trop marquée par son deuil récent, ne répond pas comme il l'espérait à ses attentions.
Le poème dont il est question ici laisse poindre le sentiment de déception du poète face à l'attitude de la belle. Comment Ronsard procède-t-il pour faire ressentir au lecteur la force de son dépit amoureux et pour rendre sensible la distance qui le sépare de l'objet de son désir ? C'est ce que nous verrons en analysant le jeu d'opposition sur lequel est bâti le poème, puis en recherchant de quelle façon l'auteur met en scène sa souffrance.
[...] Sonnet LXV, Sonnets pour Hélène (1578), de Pierre de Ronsard Pierre de Ronsard, un des pères fondateurs de la Pléiade, a dédié un recueil de poésie à Hélène de Surgères, une suivante de la reine, pour la consoler de la mort de son fiancé. Mais la jeune femme, peut-être encore trop marquée par son deuil récent, ne répond pas comme il l'espérait à ses attentions. Le poème dont il est question ici laisse poindre le sentiment de déception du poète face à l'attitude de la belle. [...]
[...] Pendant ce temps, notre pauvre poète laisse son corps partir en morceaux : il perd à chaque marche et le pouls et l'haleine il a la sueur au front et l'estomac «pantois A quoi aboutit cette souffrance physique ? Au dédain de la belle, qui ne condescend même pas à jeter un regard sur ces efforts méritoires. La hauteur de la suivante de la reine n'est pas seulement physique, elle est aussi morale, d'où l'emploi de l'adjectif hautaine au vers qui prépare la métaphore de la femme-déesse : seule une déesse peut se permettre de considérer ces pauvres êtres humains avec la suffisance qu'autorise la perfection. [...]
[...] (Dans ce cas l'assimilation à une figure masculine, peu gracieuse donc peu gratifiante pour une jeune femme de la Renaissance, a quelque chose de cocasse) Ou bien est-elle du coté des hommes, c'est-à-dire dans le même monde que Ronsard ? Par un jeu d'oppositions spatiales, matérielles et morales, Ronsard parvient à nous rendre sensible, presque tangible, sa souffrance face à l'attitude dédaigneuse de la hautaine Hélène. Le poète peut nous laisser croire qu'il renonce à accéder à cette femme déifiée, mais, habilement, son insistance sur son statut de déesse crée le doute : et si c'était elle qui devait revenir à une attitude plus humble et plus raisonnable, descendre ces pénibles marches, et ainsi retrouver sa véritable nature de femme faite de chair ? [...]
[...] Or c'est bien Hélène qui lui réserve ce sort. Le dépit, c'est le sentiment que les figures les plus saisissantes de ce poème dévoilent. C'est à l'aune du dépit qu'on peut comprendre la complaisance avec laquelle le poète s'étend sur ses maux physiques, à travers l'accumulation suivante : Je perds à chaque marche et le pouls et l'haleine ; / J'ai la sueur au front, j'ai l'estomac pantois ; en vis- à-vis immédiat, le même procédé d'accumulation est utilisé, cette fois pour caractériser l'attitude de la femme, et même, pour enfoncer le clou, deux accumulations successives sont imbriquées : Pour ouïr un nenni, un refus, une voix voix qui elle-même est toute pleine de dédain, de froideur et d'orgueil ! [...]
[...] Dans les tercets, cette double thématique débouche sur la scène de l'homme, en terre, tourné dévotement vers le ciel, dans la posture de la prière à laquelle celle qui se donne le rôle de la déesse le contraint. Ainsi, conservant malgré ses souffrances sa dignité, le poète ne renonce-t-il pas à rendre son hommage, en l'appuyant même davantage, puisque la jeune femme se retrouve flatteusement placée sur le trône d'une déesse. En conclure que l'image d'Hélène-la-déesse s'en trouve magnifiée serait cependant aller trop vite en besogne ; adroitement, le poète termine le sonnet en sauvant les apparences : le jeune femme ne peut pas lui reprocher de la placer aussi haut dans son panthéon Mais, dans le cœur du poème, Ronsard, sans le dire explicitement, insiste surtout sur l'injustice du sort qui lui a été réservé. [...]
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