« Lisez la Cassandre de Ronsard, vous y trouverez cent sonnets qui prennent l'envol jusqu'au ciel ». Cette citation d'Etienne Pasquier semble caractériser le sonnet 209 de façon très pertinente. Situé à la fin des Amours de Ronsard dans la seconde édition de 1553, ce sonnet n'apparaissait pas dans la première version de 1552, il constitue donc un ajout après coup et illustre l'art d'un poète déjà formé qui pose un regard critique sur ses œuvres et les modifie.
[...] On constate d'abord que ce poème est une plainte adressée à la dame aimée par le poète au sujet de ses désirs frustrés. Ronsard ne semble donc pas à première vue procéder ici à une réflexion intérieure et personnelle : l'amante est directement prise à parti et invoquée maîtresse ce sonnet est donc adressé, usage classique chez les poètes de la pléiade. Ainsi, du Bellay adressait par exemple dans les Regrets ses poèmes à ses amis, mais ici, sachant que Cassandre n'est qu'un prétexte littéraire, on peut se demander s'il n'est pas plutôt adressé au lecteur ou au poète lui même. [...]
[...] Le reste du quatrième quatrain est constitué par une seule et unique phrase. Ce sonnet très régulier, où tout semble parfaitement à sa place est une véritable prouesse de l'écriture, les impressions de désordre ou de perturbation servant à illustrer une rupture de l'harmonie causée par les interrogations du poète. Cependant Ronsard arrive à allier à cette forme très exigeante une inspiration de la renaissance italienne. On y retrouve en effet plusieurs thèmes néoplatoniciens, et notamment une forte présence de la mythologie. [...]
[...] Weber dans La création poétique au XVI siècle en France : Dans l'organisation d'un bon sonnet, où la coupure est observée par le poète, le huitain contient une prémisse, le sixain, la conclusion ; le huitain peut être une question, alors le sixain est en réponse, ou le huitain est une affirmation, une assertion, alors le sixain en est la démonstration, la preuve ; si le huitain est une analyse, le sixain est une synthèse. Chaque sonnet bien fait des grands maîtres sonnettistes montre plus ou moins cette disposition dialectique. [...]
[...] C'est bien ici une représentation du monde divin antique que l'on observe, monde exalté par les auteurs de la renaissance. Ronsard envisageant Cassandre comme une nouvelle ville de Troie qu'il faut assiéger avant de la conquérir, il est donc facile d'imaginer ici le poète devenu Paris, tenté par trois divinités prêtent à le faire basculer dans l'une des plus célèbres guerres de l'histoire. Mais contrairement au jeune héros homérique, notre poète est préservé de la chute par le baiser de sa maîtresse qui pour lui surpasse toute tentation divine. [...]
[...] Ainsi les baisers sont évoqués grâce à une dérivation. On passe du verbe baises au vers deux au nom «baiser au vers suivant, nom qui sera répété trois fois dans la totalité du sonnet. Il est d'ailleurs mis en valeur par un enjambement au vers six. Cependant, Ronsard nous fait une description très précise et particulière des baisers de sa maîtresse. Il nous faut d'abord remarquer que le poète prête à la jeune femme une feinte résistance à ses attaques perpétuelles «quand maugré toi tu me baises maîtresse Cette retenue de Cassandre s'inscrit dans un courant pétrarquiste, où la femme est inaccessible et ne se donne que par contrainte, ce qui lui confère une certaine noblesse. [...]
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