Commentez et discutez ces lignes d'un critique contemporain sur Sodome et Gomorrhe de M. Proust : "Sodome et Gomorrhe est donc un roman de mœurs et, plus précisément, un roman sur les mœurs des invertis. Mais quand on réfléchit, quel étrange roman. (…) Nous reconnaissons alors que la technique du roman, apparemment, aberrante, que Proust a adoptée est une application nécessaire de sa "reconstitution du temps réel". Elle fait de son roman, comme du roman picaresque, une série de rencontres dans des auberges. Et Sodome et Gomorrhe n'est qu'une de ces auberges. Les voyageurs qu'on y rencontre sont un peu singuliers. Mais il n'arrive rien car il ne peut jamais rien arriver. Il ne peut jamais rien arriver car nous ne pouvons avoir d'autres aventures que les aventures de notre imagination que nous appelons amour, déceptions, souffrances"
[...] Et il en est en effet question tout au long du roman mais il n'en reste pas moins que beaucoup d'épisodes de Sodome et Gomorrhe ne se rattachent pas à ce thème : ainsi, de nombreux événements, lors de la soirée chez la princesse de Guermantes (le jet d'eau d'Hubert Robert et la mésaventure de Mme d'Arpajon, les conversations à propos de l'affaire Dreyfus), lors des voyages en tram vers la Raspelière (les étymologies de Brichot, par exemple) ou encore les rencontres du héros avec les Cambremer, peuvent être longuement développés alors qu'ils n'ont aucun rapport avec le thème de l'homosexualité. Comment, dès lors, définir Sodome et Gomorrhe ? Un critique contemporain s'y emploie : pour lui, Sodome et Gomorrhe constitue un "roman de mœurs", principalement centré autour de l'inversion, mais ce roman est bien "étrange" du point de vue de sa "technique", qui ne correspond pas à la technique traditionnelle du roman de mœurs. Pour ce critique, cette technique permet une "reconstitution du temps réel" et non simplement la description des mœurs. [...]
[...] En effet, le titre du roman comme la citation liminaire d'Alfred de Vigny femme aura Gomorrhe et l'homme aura Sodome") annoncent les thèmes qui seront abordés dans le roman. De la même façon, la structure du roman est révélatrice, dans la mesure où Sodome et Gomorrhe est encadré par deux scènes symétriques : au début du roman, le héros découvre l'homosexualité de Charlus, révélation qui lui ouvre de nouvelles perspectives qui lui étaient jusque-là cachées, tandis que la fin du roman est constituée par une autre révélation, du côté de Gomorrhe cette fois, lorsqu' Albertine apprend au héros qu'elle connaît bien Mlle Vinteuil et son amie, dont les mœurs lui sont connues depuis la scène à laquelle il a assisté à Montjouvain. [...]
[...] Sodome et Gomorrhe pourrait apparaître comme un ensemble détachable de la Recherche et constituerait alors une sorte de "roman de mœurs" autour du thème de l'homosexualité ; mais nous avons vu que limiter Sodome et Gomorrhe à cet aspect était impossible. C'est que la Recherche ne saurait être morcelée sans perdre une grande partie de son sens : il s'agit, pour reprendre une métaphore architecturale employée par Proust, d'une "cathédrale" dont tous les éléments sont solidaires et où rien n'est laissé au hasard. [...]
[...] Mais il s'agit d'un roman de mœurs bien "étrange". En effet, Sodome et Gomorrhe n'est pas un roman de Balzac et la Recherche n'a pas pour objectif de nous représenter la "comédie humaine". Proust n'est pas (ou du moins pas uniquement) un écrivain réaliste et moraliste. Un livre n'est pas, comme se le figure le duc de Guermantes, "une espèce de cube dont une face est enlevée, si bien que l'auteur se dépêche de «faire entrer» dedans les personnes qu'il rencontre" (p. [...]
[...] J'avais trouvé charmant la fleur qui terminait certains noms, comme Fiquefleur, Honfleur, Flers, Barfleur, Harfleur, etc., et amusant le bœuf qu'il y a à la fin de Bricqueboeuf. Mais la fleur disparut et aussi le bœuf, quand Brichot ( ) nous apprit que «fleur» veut dire (comme fiord) et que «bœuf» ( ) signifie «cabane»." Cf. p. 199-200 : "Au fond, si je veux y penser, l'hypothèse qui me fit peu à peu construire tout le caractère d'Albertine et interpréter douloureusement chaque moment d'une vie que je ne pouvais pas contrôler tout entière, ce fut le souvenir, l'idée fixe du caractère de Mme Swann, tel qu'on m'avait raconté qu'il était." p p. [...]
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