Longtemps cachées au grand public, les lettres de Simone de Beauvoir à Nelson Algren constituent un chef d'œuvre épistolaire et depuis leur publication, en 1997, par sa fille d'adoption Sylvie le Bon de Beauvoir, elles n'ont cessé de susciter la curiosité et l'intérêt du grand public et de la critique littéraire. Toutefois, cette correspondance, bien qu'elle soit riche et d'une importance littéraire plus qu'évidente, n'est que très peu exploitée et plusieurs articles consacrés à cette correspondance ont essayé de voir et de démontrer à travers Lettres à Nelson Algren, une histoire d'amour qui allait à l'encontre de ses principes féministes prônés notamment dans son livre Le Deuxième Sexe, ces articles consacrés à cette œuvre épistolaire après sa publication ont ,en effet, repris pour la plupart les mêmes extraits, dont le fameux extrait où elle promet de passer le balai chez son amant. «Oh Nelson ! Je serai gentille, je serai sage, vous verrez, je laverai le plancher, cuisinerai tous les repas, j'écrirai votre livre en même temps que le mien, je ferai l'amour avec vous dix fois par nuit et autant dans la journée même si ça doit légèrement me fatiguer». Il apparaît clairement après la lecture de cet extrait qu'on a choisit des propos isolés de leur contexte qui la placent dans une position qui va à l'encontre de son combat, de ses principes, de ce qui a fait d'elle la Simone de Beauvoir que nous admirons tous et que nous citons comme exemple pour faire taire ces quelques personnages qui essayent de faire de notre différence de sexe un rapport de force et de pression. Or, les lettres ne parlent pas que d'amour et la féministe transparaît tout autant que l'amoureuse, un extrait de la lettre du 22 décembre 1947 le démontre parfaitement : «Je pense sincèrement que le mariage est une institution pourrie et que lorsqu'on aime un homme il ne faut pas tout gâcher en l'épousant».
[...] L'influence de Beauvoir, associée à Gisèle Halimi et Elisabeth Badinter, a été décisive pour obtenir la reconnaissance des tortures infligées aux femmes lors de la guerre d'Algérie et le droit à l'avortement. Elle est à l'origine du Manifeste des 343[2]. Avec Gisèle Halimi, elle a cofondé le mouvement Choisir, dont le rôle a été déterminant pour la légalisation de l'interruption volontaire de grossesse. Durant toute sa vie, elle a étudié le monde dans lequel elle vivait, en visitant usines et institutions, à la rencontre d'ouvrières et de hauts dirigeants politiques. [...]
[...] Le Deuxième Sexe (Formation, Introduction) C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c'est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète. Si l'on dit que les hommes oppriment les femmes, le mari s'indigne, mais le fait est que c'est le code masculin, c'est la société élaborée par les mâles et dans leur intérêt qui a défini la condition féminine sous une forme qui est à présent pour les deux sexes une source de tourments. Certains mâles redoutent la concurrence féminine. Certains mâles sont scandalisés que les charges de la féminité soient allégées. [...]
[...] Ici il n'y a ni lumière ni eau le matin, de temps en temps on est dans le noir le soir. Mais dans l'ensemble c'est très confortable elle témoigne aussi de la pauvreté dans laquelle elle a grandi : Quand j'étais enfant, comme mes parents étaient pauvres et déclassés à la façon moche, mesquine, des petits bourgeois, je haïssais notre appartement, presque crasseux. Avec ma sœur je partageais une chambre minable, minuscule, mal installée, où deux lits tenaient à peine monter l'escalier sale, dormir toutes les nuits dans ce logement froid, sinistre, avec mes parents qui se disputaient, sans un endroit à moi, sans aucune paix, j'exécrais ça. [...]
[...] et en fin les œuvres littéraires : Puisque vous vous intéressez à l'existentialisme, sachez que Camus, l'auteur de l'Etranger , vient de publier un livre important, La Peste, où il traite de l'occupation de Paris pas l'armée allemande, sous couvert d'une histoire de peste à Oran. Il décrit l'affreuse maladie, la solitude de la ville sur laquelle elle s'abat, derrière les portes closes par peur de contagion ; la peur, le courage. A travers ça, il essaie de réfléchir au sens de l'existence humaine, aux raisons, à la manière de l'accepter. Je ne suis pas d'accord avec tout, mais il manie un beau français, et certaines parties émeuvent et parlent au cœur. [...]
[...] Je ne peux manier qu'un mauvais anglais enfantin, quoi que n'étant pas stupide, vous savez. Vous allez vous croire plus malin, plus intéressant et, devant ma gaucherie, concevoir un mépris hautin ou encore dans la lettre du 24 juin de la même année : Donc mon Nelson bien aimé, sachez que la compagne est belle ce soir, paisible, silencieuse, chaude. Avec mon anglais je ne peux pas l'exprimer. En un sens, c'est excellent pour moi d'écrire en anglais : aucune mauvaise littérature, aucune sorte de littérature ne m'est permise, je ne peux que dire ce que j'ai à dire de la manière la plus directe et la plus nue. [...]
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