Antoine et Cléopâtre. Le titre annonce déjà plusieurs informations : nous sommes en présence de grands personnages, l'un est un triumvir romain, l'autre la plus célèbre des pharaonnes ; la seconde information principale est la dualité, qui annonce un grand thème théâtral, à savoir les variations entre duel et duo. À côté de ces informations basiques et somme toute objectives, on peut voir des connotations, qui sont par définition de l'ordre de l'« horizon d'attente ». Antoine appartient à Rome, qui rappelle (à tort ou à raison), la grandeur, la stabilité et la puissance de l'Empire qui se voient transférées sur le personnage d'Antoine. En Cléopâtre, on voit plus le personnage lui-même que l'Egypte, qu'elle symbolise, davantage que l'inverse. On y voit presque inconsciemment la volupté, le charme et la puissance
Je m'attarderai dans cette étude, après avoir étudié l'utilisation de l'Histoire par Shakespeare, comment ce dernier, en une œuvre, résumé par son art la nature humaine tout entière qui est ici marquée par la force de la passion. Car Antoine et Cléopâtre sont à la fois deux personnages, un homme, une femme, ni plus, ni moins mais en même temps ils sont l'homme et la femme, l'humanité tout entière. On pourra dès lors comprendre comment Shakespeare comprend le monde et surtout ses acteurs. Antoine et Cléopâtre pourra dès lors apparaître comme une anthropologie, une cosmogonie, un univers à la fois clos et ouvert car il a pour sujet la vie même.
[...] Shakespeare, Antoine et Cléopâtre (traduction d'Yves Bonnefoy) Antoine et Cléopâtre. Le titre annonce déjà plusieurs informations : nous sommes en présence de grands personnages, l'un est un triumvir romain, l'autre la plus célèbre des pharaonnes ; la seconde information principale est la dualité, qui annonce un grand thème théâtral, à savoir les variations entre duel et duo. À côté de ces informations basiques et somme toute objectives, on peut voir des connotations, qui sont par définition de l'ordre de l'« horizon d'attente Antoine appartient à Rome, qui rappelle (à tort ou à raison), la grandeur, la stabilité et la puissance de l'Empire qui se voient transférées sur le personnage d'Antoine. [...]
[...] De même César, qui lui, une forte voire centrale utilité narrative, est hors-jeu. Il est en effet mû par la seule ambition, il représente la politique sous sa forme froide et toujours intéressée. Son ambition est certes une forme de passion, mais son action vise toujours un but clair et déterminé, tandis que la passion de Cléopâtre ou d'Antoine est une passion quasi aveugle. Ainsi, César ne comprend pas le comportement d'Antoine, il lui est proprement étranger, au mieux cela l'amuse-t-il. [...]
[...] La pièce a en cela pour sujet à la fois le conflit destructeur et le conflit géniteur. Mais revenons sur la dimension universelle par symbole des deux personnages. Antoine, qui est Rome tout entier, affiche la sévérité du père. Cléopâtre est, elle, non seulement rattachée à son royaume, mais plus précisément au Nil qui représente parfaitement ce double mouvement destructeur et créateur. Par sa crue, il emporte tout sur son passage, crée un chaos marin, mais permet du même coup la germination de la culture et la vie des Egyptiens. [...]
[...] (voir pour l'énumération et l'étude de ces divergences l'introduction que fait A. Rivoallan pour Antoine et Cléopâtre, éditions Aubier) Mais une liste exhaustive de ces différences nous intéresse peu, il importe de voir ce que cela implique quant aux relations entre l'histoire, la réalité et la littérature de Shakespeare. Ces divergences ont deux motifs. Le premier, qui là encore n'a que peu d'intérêt, est celui de la nécessité théâtrale de contraction, qui est la même pour toute œuvre littéraire de quelque genre que ce soit ; on peut lire la concision de l'union entre Antoine et Cléopâtre dans cette optique. [...]
[...] En cela, il n'est plus asservi, car il se rend compte de l'échec d'un amour tranquille, et néanmoins suit encore la passion et Cléopâtre. J'ai donc l'intime conviction de la sincérité et de la liberté d'Antoine et de Cléopâtre. Aucun des deux personnages ne domine l'autre, c'est la passion qui gouverne conjointement les deux. On peut relever dès lors une première dimension de l'aventure d'Antoine et de Cléopâtre : ils vivent un amour profondément humain, d'où la non-tranquillité de cet amour. [...]
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