« Tel arbre, tel fruit » écrit Sainte-Beuve. En effet, la loi sur le droit d'auteur a fait naître une doxa selon laquelle l'écrivain serait le seul dépositaire du sens de son œuvre. De ce constat s'ensuivit une critique littéraire qui se fonda sur la vie de l'auteur pour expliquer cette dernière. Si Lanson écrit contre cette doxa en affirmant que « le livre est un phénomène social qui évolue », il n'en demeure pas moins que la position du critique peut déconcerter. Lanson argue sur le fait qu'une fois l'œuvre publiée, « l'auteur n'en dispose plus » et que c'est le public qui « la retouche, la repétrit, l'enrichit ou l'appauvrit continuellement ». Le livre et la société évolueraient donc de concert.
Il n'existerait pas un sens à l'œuvre littéraire, mais des sens multiples. Lanson prend donc ici le contre-pied de la doxa « si bien que suivre la fortune d'un chef-d'œuvre, c'est, souvent, moins regarder ce qui se passe d'une pensée individuelle dans le domaine des esprits, que lire dans un appareil enregistreur certaines modifications du contenu social ». De ce fait, il convient de s'interroger sur le rôle du lecteur dans la construction du sens de l'œuvre littéraire. Cette dernière est-elle dépendante de ses lecteurs ? L'auteur n'aurait-il donc aucune prise sur la lecture et la réception de ses ouvrages ?
[...] Ainsi, certains genres littéraires permettent à l'auteur de contrôler le sens de son œuvre et de résister aux assauts interprétatifs du lecteur. L'auteur n'est donc pas qu'un scribe et il maîtrise le sens de son œuvre qu'il jalonne d'indices afin d'en contrôler l'interprétation au travers de préfaces ou de certains genres littéraires. L'œuvre littéraire est le fruit d'un travail de l'auteur qui réfléchit à chaque mot pour donner au lecteur une ligne de conduite. Le lecteur serait donc en liberté surveillée car ses interprétations sont aussi dépendantes du contexte dans lequel l'œuvre s'inscrit. [...]
[...] Ensuite, l'œuvre littéraire a une liberté de mouvement restreinte, car elle dépend d'un contexte historique. L'œuvre littéraire est bien souvent inspirée par l'Histoire. Ainsi, la lecture des Misérables d'Hugo ne peut se faire sans se référer au contexte historique et il serait impossible de comprendre pourquoi le personnage de Thénardier est aussi amer et acariâtre sans savoir que ce personnage vit dans la nostalgie de l'époque napoléonienne. Comment comprendre la portée de la mort de Gavroche sans savoir que ce personnage meurt sur les barricades en 1832 lors d'une insurrection républicaine ? [...]
[...] L'œuvre littéraire ne peut donc pas évoluer étant donné qu'elle reste ancrée dans son époque. Ainsi, le lecteur qui ouvre pour la première fois une œuvre de Molière ne trouve pas l'œuvre en l'état c'est-à-dire que celle-ci est accompagnée de notes pour expliquer au lecteur certains termes. Cette explication de termes que le lecteur ne connaît pas entrave ses interprétations et l'empêche de voir dans les termes choisis par Molière d'autres sens. De ce fait, lors de la lecture du Médecin malgré lui, le lecteur du XXIe se doit d'accorder son attention aux notes en bas de page afin de comprendre certains termes. [...]
[...] En effet, l'œuvre littéraire est ancrée dans la société de son temps. Par exemple, Le Petit chaperon rouge de Perrault a une fonction didactique qui est de dissuader les jeunes filles d'aller voir le loup c'est-à-dire de garder leur virginité. Cette valeur est en accord avec les principes de la société du XVIIe dans laquelle la jeune fille doit se réserver jusqu'au mariage, mais elle ne reflète les valeurs du XXIe. Le lecteur moderne devra donc orienter sa lecture en la contextualisant. [...]
[...] Cette idée de l'œuvre d'art comme phénomène social qui évolue peut aussi s'appliquer si l'on s'accorde à regarder la postérité du tableau de Leonard de Vinci, La Joconde. En effet, quand ce tableau a été peint il n'a pas reçu un grand succès et est presque passé inaperçu. C'est quand ce tableau a été volé au Louvre quelques siècles plus tard que la société lui a offert le succès. Ainsi, d'œuvre mineure La Joconde est passée au rang de chef-d'œuvre. [...]
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