« Je dirai tout ; le bien, le mal, tout enfin ». Cette promesse, énoncée par Rousseau dans son premier préambule du manuscrit des Confessions, suppose que l'autobiographie est intiment liée à la question de la vérité. Le récit de soi cherche en effet à se démarquer radicalement de la fiction en s'affirmant comme véridique et complet. Le lecteur peut être intéressé par cette exigence du vrai relative à la propre vie de l'écrivain.
Pour autant, l'intérêt principal d'une autobiographie est-il de dire toute la vérité sur son auteur ? En d'autres termes, l'autobiographie n'a-t-elle de raison d'être que dans la mesure où elle répond à cette double exigence de véracité scrupuleuse et totale ? S'il est certain que le récit de vie personnelle doit répondre à une nécessité de vérité, l'exhaustivité est toutefois problématique. Au fond, l'intérêt d'une autobiographie n'est-il pas de refléter la sincérité de son auteur plus que sa vérité ?
[...] Lorsque Rousseau, dans la Quatrième promenade» des Rêveries, avoue avoir parfois menti, mais toujours dans un sens défavorable, en [s]'accusant avec trop de sévérité» plutôt qu'en [s]'excusant avec trop d'indulgence il suggère que la vérité de ce qu'il est réside non dans ce qu'il a raconté de lui- même, mais dans la tendance qu'il a à se peindre sous des traits plus sombres qu'ils ne sont réellement, ou encore, dans la stratégie qu'il adopte, et qui consiste à se dénigrer avec véhémence pour mieux recueillir l'indulgence du lecteur. On voit donc bien que la vérité d'un récit autobiographique est d'autant plus inatteignable qu'elle appartient au jugement du lecteur. Le vrai ne peut-il pas également se trouver dans la fiction et dans l'imaginaire? 2. L'intérêt de l'imaginaire et de la fiction dans le récit de soi L'autobiographie est définie par son caractère narratif, à l'instar du roman. [...]
[...] Au fond, le lecteur peut rechercher dans l'autobiographie ce qu'il demande à une biographie: des éléments d'information apportés par un écrivain d'autant mieux placé pour le faire qu'il raconte sa propre existence. Cette exigence a des allures d'évidence lorsque l'autobiographie revêt avant tout la forme d'un témoignage décisif, dans lequel le moi intime est relégué au second rang, au profit d'un Moi historique. Dans le fameux récit de Primo Levi Si c'est un homme, l'intérêt de la narration réside dans sa parfaite authenticité. C'est parce que le témoignage du rescapé des camps d'Auschwitz est perçu comme une vérité totale qu'il bouleverse le lecteur. [...]
[...] Certes, l'autobiographie est fondée sur une exigence de vérité 1. Un pacte moral entre l'écrivain et le lecteur La question de la vérité est consubstantielle au récit de soi assumé comme tel. Selon l'universitaire Philippe Lejeune, cette exigence est déjà inscrite dans la définition même du genre, dans la mesure où l'identité entre l'auteur et le personnage doit être clairement établie, par la mention explicite du nom, par exemple. Si donc le personnage et l'écrivain ne font qu'une seule et même personne, il se crée de fait un pacte moral entre le lecteur et celui-ci. [...]
[...] Dans l'anecdote du peigne cassé par exemple, la revendication de justice du jeune Jean- Jacques suppose que son innocence soit effective. Que l'on apprenne que celle-ci est douteuse, et tout l'intérêt et la raison d'être de l'œuvre sont compromis. L'exigence de vérité est donc indissociable de l'entreprise autobiographique. Pour autant, peut-elle être complète et absolue? II. Toutefois, l'exhaustivité est problématique 1. Des obstacles s'opposent à l'idéal d'une vérité complète Si les autobiographes classiques revendiquent avec force l'exactitude intégrale de leurs dires, certains reconnaissent plus ou moins implicitement que cette pétition de principe s'est heurtée à des obstacles majeurs. [...]
[...] De plus, l'autobiographie telle que Philippe Lejeune la définit suppose une recherche sur soi, sur l'histoire de sa personnalité Aussi le simple déroulement chronologique des étapes de sa propre existence peut-il entrer en contradiction avec cette définition dans la mesure où il évacue le questionnement sur soi, les étapes jugées fondatrices. Le récit autobiographique implique un travail de reconstruction et de sélection. Reconstruction d'un Moi aussi fidèle que possible, sélection des épisodes marquants de sa vie, y compris ceux qui pourraient paraître faibles sur le plan dramatique. La recherche d'une cohérence de soi passe ainsi par une cohérence de composition littéraire, pas nécessairement chronologique, à l'image des œuvres autobiographiques de Michel Leiris, qui cherchent à retrouver le Frêle Bruit du souvenir. [...]
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