Dans l'un de ses Salons antérieur à celui de 1767, Diderot déplore la difficulté de la tache du critique, toujours sur le fil du rasoir, risquant à chaque instant de basculer dans la médiocrité ; ce critique devrait ainsi, selon le maître d'oeuvre de l'Encyclopédie, présenter la plus grande variété de goûts, un "coeur sensible à tous les charmes", une âme susceptible de saisir une infinité de talents différents ainsi qu'un style assez varié pour pouvoir rendre la variété des pinceaux (...)
[...] Cette critique d'art, à la dimension littéraire indubitable non seulement séduit, mais invite également à l'esprit ce qui pour Goethe est l'habileté suprême de l'esprit lui-même. [...]
[...] Dès lors, la soumission aux œuvres exposées n'est qu'un leurre, un trompe- l'œil. Ainsi, la description des trois Amours du tableau médiocre L'Amour rémouleur de La Grenée, chacun dans une phrase sans lien logique entre elles, révèle le défaut de composition de l'œuvre, par trop éparse. La description étant appréciation, il est évident que Diderot, sous couvert de neutralité, laisser percer ses propres goûts, ses propres attentes qui découlent d'une esthétique singulière. Ainsi, selon lui, l'idée prime sur le faire : Qu'est-ce que le plus beau faire sans idée ? [...]
[...] Dès lors, toute œuvre qui ne répondra pas à ses critères ne pourra que faire l'objet d'une description péjorative et d'un jugement négatif. Toutefois, Diderot est manifestement conscient des failles intrinsèques à son œuvre de critique : l'objet, malgré la plus extrême attention se dérobe et s'avère part essence insaisissable. Le salonnier philosophe émet ainsi des doutes quant à la valeur du jugement de gout subjectif qui fonde ses descriptions et appréciations, doutes particulièrement bien exposés dans les textes préfaciel et conclusif. [...]
[...] que ma jeunesse a peu duré s'exclame-t-il devant les ruines de Robert. Sa subjectivité occupe alors le premier plan : Les idées que les ruines réveillent en moi sont grandes ( C'est là que j'appelle mon ami. C'est là que je regrette mon amie La promenade Vernet est également l'occasion pour le moi de se mettre en valeur : voix coupée, ‘jetais stupéfait et muet Les lignes d'ouverte sont également empreintes d'une tonalité élégiaque, dans l'adresse à l'ami qu'est Grimm De fiat, comme l'affirmait avec un brin de cynisme Barbey d'Aurevilly, Diderot est un peintre qui crevait sa peinture pour passer la tête par le trou de la toile, afin qu'on le vît bien et qu'on l'entendit toujours ! [...]
[...] Mais rappelons-nous notre épigraphe, sine ira et studio. Soyons justes ( Non seulement Diderot déclare ne prendre aucun parti pris personnel, mais il s'efforce également de rendre compte de l'exposition avec beaucoup de minutie. Remarquons qu'il accepte le lieu (chaotique, foisonnant) tel qu'il est et s'aligne en quelque sorte sur le livret qui lui sert de guide dans cette profusion exubérante d'œuvres : ainsi, la comparaison du Saint-Denis de Vien et celle du Miracle des ardents de Doyen a beau être justifiée, Diderot sépare pourtant les deux peintres et suit consciencieusement l'ordre du livret, livret qui classe d'ailleurs les objets exposés en trois grandes catégories conservées par le salonnier : la peinture, la sculpture et la gravure. [...]
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