Rousseau, peut désigner la société, ou encore les hommes, et par assimilation : autrui. Le mot "mystère" peut avoir deux significations : quelque chose d'inéluctable ou une chose difficile à comprendre, mais pas forcément insoluble. En ce qui concerne le verbe "élucider", on peut remarquer qu'il est formé à partir du mot latin lux, qui signifie "lumière" ; élucider serait donc l'action de faire la lumière sur quelque chose, ici le mystère qui change le monde. Les deux points de la ponctuation traduisent une opposition renforcée par la conjonction de coordination "mais". Le moi, quant à lui, désigne au sens large l'objet et le sujet de la pensée ou encore la personnalité dans sa tendance à ne considérer que soi ; quoiqu'il en soit, cette notion s'oppose à l'extérieur, et s'apparente à l'intérieur, à l'intime, au "for privé". Ici, le moi se sent "intact", et si l'on se réfère à l'étymologie latine de ce terme, on constatera qu'il provient de tangere, qui signifie toucher. Le moi de Rousseau se sent intact, c'est-à-dire intouché. Enfin, la permanence, ici du moi de Rousseau, signifie que ce dernier reste identique, sans changement. En d'autres termes, selon Jean Starobinski, Rousseau considère que ses contemporains et la société dans laquelle il vit ont changé, mais il ignore par quelles raisons cette altération est survenue. Quant à lui, il clame qu'il est resté le même, sans être affecté d'aucune sorte par ce changement.
Il est intéressant d'étudier Rousseau dans cette optique, à la lumière des Rêveries du promeneur solitaire et de Narcisse en se demandant : comment Rousseau appréhende-t-il la vie dans une société qui aurait changé, et qui plus est, de manière inintelligible pour lui ; et de quelle manière ce dernier, dans son "for privé", se perçoit-il réellement intouché, comme étant le même qu'auparavant ? (...)
[...] On remarque ensuite, encore une fois, l'importance de la vue dans la nature, lors des promenades : cette vue de la nature trouve toute son importance dans le projet d'écriture des Rêveries, elle aide Rousseau à penser, à atteindre une sorte de bonheur, en osmose avec lui-même et la nature. Cette attitude proche de la contemplation est liée à la philosophie sensualiste. On peut d'ailleurs se demander s'il ne s'est pas exilé de la société pour ne plus voir les défauts de ses contemporains et la corruption du monde dans lequel il vivait. [...]
[...] Mais cette résolution, pour citer Jean Starobinski dans son ouvrage Jean Jacques Rousseau, la transparence et l'obstacle, équivaut à la recherche délibérée du malheur c'est-à-dire de la solitude et de la rupture irréversible du lien social. Les Rêveries sont en effet l'œuvre d'un solitaire, un projet dans lequel Rousseau anéantit le mouvement agressif du monde. Il va préférer la solitude, parce que c'est pour lui la seule façon d'être lui-même, tel qu'il l'annonce dans la Neuvième Promenade : Je ne suis à moi que quand je suis seul, hors de là je suis le jouet de tous ceux qui m'entourent. [...]
[...] Il a consacré plusieurs œuvres à élucider ce mystère : la société évolue, et avec elle ses mœurs et les contemporains du philosophe forme à présent une génération nouvelle qu'il ne reconnaît plus et qui ne porte plus le même regard sur lui et voit ses œuvres d'un œil nouveau. Perdu au milieu de cette étrange révolution Rousseau se sent repoussé et mis à l'écart, il a le sentiment d'être incompris et mal jugé. Cela va le conduire à s'isoler lui-même dans la nature, où il va composer les Rêveries. [...]
[...] Rousseau a eu l'occasion, de saisir la nature du changement du monde dans lequel il vit, notamment en analysant dans son œuvre les effets de la société chez l'homme. Il constate que l'homme est bon par nature, et que c'est la société qui le corrompt. Elle serait responsable du changement d'opinion de ses contemporains envers sa personne et des 4 erreurs de jugement dont il est victime. Dans la Préface de Narcisse, il certifie que les hommes se trouvent dans l'impossibilité de vivre entre eux sans se prévenir, se supplanter, se tromper, se trahir, se détruire mutuellement ! [...]
[...] S'agit-il de la mort du prince de Conti, sans qui Rousseau se sent démuni de protecteur ? Ou bien s'agit-il de la fermeture du chœur de Notre-Dame, le 24 février 1776, le jour que Rousseau avait choisi pour y déposer son manuscrit, et qui le persuade que même Dieu lui tourne le dos Les changements opérés dans son esprit viennent aussi des autres, et même si le philosophe se décrit en totale opposition avec eux, il l'admet lui-même, comme en témoigne la Quatrième Promenade : il n'est jamais trop tard pour apprendre même de ses ennemis à être sage, vrai, modeste, et à moins présumer de soi ( ) voilà des réflexions qui probablement ne me seraient jamais venues dans l'esprit si l'Abbé Rozier ne me les eût suggérées. [...]
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