Commentaire composé de l'épisode du ruban volé dans les Confessions de Rousseau. Analyse de la rhétorique de l'aveu et de l'auto-accusation qui se retourne en plaidoyer qui remplit pleinement le but des Confessions.
[...] Ce faisant, il passe du rôle d'accusateur à celui d'avocat de soi-même en élucidant les mobiles secrets de son acte qui en font ressortir la pureté des intentions : Jean-Jacques n'a jamais voulu que le bien même quand il commettait le mal. Ainsi le forfait tout comme la confession sont-ils placés sous le signe du paradoxe. [...]
[...] D'autre part, l'aveu est présenté comme un acte de courage qui valorise son auteur et compense, voire atténue, la faute commise jadis. Rousseau prend d'ailleurs les devants pour se féliciter de sa sincérité exemplaire : j'ai procédé rondement dans celle confession) que je viens de faire, et l'on ne trouvera sûrement pas que j'aie ici pallié la noirceur de mon forfait La casuistique ou morale de l'intention La dernière étape de l'aveu, consistant à élucider les motivations secrètes de l'acte fautif, s'apparente à la casuistique dans laquelle excellaient notamment les directeurs de conscience jésuites : il s'agit, par l'examen d'un cas de conscience, de prouver la pureté des intentions d'un acte pourtant condamnable. [...]
[...] En outre, le rôle accordé au ruban relève d'un certain fétichisme qu'il serait intéressant d'explorer. Cependant l'intérêt majeur de l'introspection consiste ici à tenter d'innocenter le coupable qui vient pourtant de noircir exagérément sa faute de jeunesse. II- Le renversement de l'auto-accusation en plaidoyer pro domo La valeur expiatoire des remords et de l'aveu -Si Rousseau dramatise tant l'intensité de ses remords, n'est-ce pas pour suggérer que ceux-ci ont été un impitoyable châtiment ? Telle est par exemple la valeur de la phrase ce souvenir cruel me trouble quelquefois, et me bouleverse au point de voir dans mes insomnies cette pauvre fille venir me reprocher mon crime ( De persécuteur, Rousseau devient le persécuté. [...]
[...] Ce long silence a contribué à transformer un péché véniel en crime inavouable ; il suggère aussi la solitude foncière de Rousseau, en donnant à celle-ci une dimension pathétique. Par conséquent, le lecteur reçoit ici le titre gratifiant de confident exclusif, supplantant même les individus côtoyés par l'auteur dans la plus étroite intimité tels que Mme de Warens, première maîtresse et substitut maternel de Rousseau. Parallèlement, l'épisode du ruban volé prend une valeur cruciale dans la genèse des Confessions : poids est donc resté jusqu'à ce jour sans allègement sur ma conscience, et je puis dire que le désir de m'en délivrer en quelque sorte a beaucoup contribué à la résolution que j'ai prise d'écrire mes confessions La conscience exacerbée de la faute -si l'explication du vol et du mensonge est rédigée au passé simple, les remords sont relatés au présent d'actualité et au passé composé, pour souligner leur ténacité tout au long de la vie de Rousseau et au moment de l'écriture. [...]
[...] Au début de son livre, l'auteur souligne sa singularité et affirme l'authenticité de sa parole : j'ai dit le bien et le mal avec la même franchise Qui dit confessions implique aveux et remords des fautes : tel est l'objet de l'extrait proposé. A seize ans, Rousseau, alors laquais à Turin, vole un ruban et en accuse une jeune cuisinière qui sera renvoyée. Après avoir raconté l'épisode qu'il n'avait jamais avoué à personne, l'auteur expose ses incessants remords et dévoile les motivations secrètes et paradoxales de sa faute de jeunesse. Nous nous intéresserons à la rhétorique de l'aveu avant de montrer comment l'auto-accusation se retourne en plaidoyer qui remplit pleinement le but des Confessions. [...]
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