Dans le « VOEU » des Amours de Ronsard, le poète transforme la pointe du sonnet en dédicace aux muses et à Cassandre, l'objet de la poésie amoureuse : « DE LA MAIN DESTRE APAND A NOSTRE AUTEL, / L'HUMBLE DISCOURS DE SON LIVRE IMMORTEL,/ SON C?UR DE L'AUTRE, AUX PIES DE CETTE IDOLE. » Les entreprises amoureuse et poétique sont en effet centrales dans le recueil. Dans une préface aux Amours, Françoise Joukovsky met en avant le lien qui les unit : « Qu'a-t-il apporté à la poésie d'amour ? Une analyse de la passion et de ses souffrances ? Catulle ou Properce ne l'avaient pas attendu. L'aveu sincère de ses hésitations entre le ferme amour et l'inconstance ? Marot comme lui allait et venait de l'une à l'autre inspiration, refusant un choix qui l'eût appauvri. La création d'un paysage affectif, par l'obsession et le symbole ? Pétrarque lui en donnait l'exemple. Un jeu formel, une recherche de l'inattendu, de la métaphore étrange ou de l'antithèse choquante ? Mais chaque siècle a ses précieux. » Dans cette énumération de chantres de la poésie amoureuse, elle met en avant le caractère englobant de la poésie d'amour ronsardienne, aux influences multiples (...)
[...] Aimer, comme l'acte poétique, est un rapprochement de l'idéal divin. L'amante est divinisée et idolâtrée et l'innamoramento est un miracle : Le fils de Rhée apella tous les Dieus,/ Pour faire encore d'elle une autre Pandore nous dit le poète. Dans le même poème elle est ainsi décorée par Apollin Mars Venus Dione Pithon Ceres L'Aube Amour Thetis Clion et Pallas On reconnaît dans le recueil la conception de l'amour de Marsile Ficin, entre pâmoison sensuelle et extase mystique : la beauté de l'idole est une manifestation de la perfection divine, et l'amour humain n'est qu'une étape vers l'amour divin. [...]
[...] L'amour inspire donc le poète, qui par l'écriture cherche à atteindre cette Beauté que lui laisse entrevoir la perfection de la femme aimée. Pour finir, on peut citer J.-M. Maulpoix qui définit le lyrisme comme l'expression d'un sujet singulier qui tend à métamorphoser, voire à sublimer le contenu de son expérience et de sa vie affective, dans une parole mélodieuse et rythmée ayant la musique pour modèle. Le modèle et le but du poète est donc cette musique et non l'anecdote amoureuse à partir de laquelle se fonde le recueil. [...]
[...] Mais chaque siècle a ses précieux. Dans cette énumération de chantres de la poésie amoureuse, elle met en avant le caractère englobant de la poésie d'amour ronsardienne, aux influences multiples. Puis elle définit ce qui fait son unicité et qui la démarque : Non, ce ton unique, ce son de voix propre au chantre des Amours, percevons-le plutôt dans ce rêve que le poète substitue à une réalité défaillante, dans ce bonheur fictif, mais total, élan des sens, musique et poésie. [...]
[...] Dans quelle mesure les Amours de Ronsard, en associant la démarche amoureuse à la démarche littéraire, ouvrent la poésie d'amour sur un univers totalisant ? Si la poésie ronsardienne est bien une poésie des amours à l'imitation éclairée, elle se détache lorsque la conquête amoureuse se lie étroitement à la conquête littéraire pour accéder à un paradis poétique. * * * Par son imitation éclairée Ronsard reprend la tradition de la poésie d'amour mais dans un élan de dépassement des sources. Les Amours de Ronsard sont bien des amours plurielles . [...]
[...] Il fait exploser les cadres de ses sources, pour faire naître l'invention personnelle d'une imitation éclairée. Ainsi l'amour platonique se voit secoué par un amour très charnel, et l'amant des Amours se distancie de l'amant pétrarquiste, et l'alexandrin lui-même voit ses limites bousculées par les nombreux rejets et ruptures de rythme. Un dépassement s'opère pour faire passer la poésie amoureuse de l'anecdote à un idéal universel. La Cassandre supposée réelle se confond en effet avec la Cassandre de Troie pour former une image parfaite de l'amante. [...]
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