Du conte et de l'épopée, genres empreints de merveilleux, le roman semble s'être démarqué notamment par son réalisme, au point que peindre le réel tel qu'il est puisse sembler comme une fonction constitutive de ce genre littéraire. Or la tâche du romancier consiste-t-elle seulement à reproduire le réel ? L'adverbe « seulement » laisse entendre que le romancier aurait la représentation du réel comme tâche indéniable : or cette évidence apparente, que l'on évoquera en premier lieu, ne doit-elle pas être remise en cause, comme nous le verrons ensuite ? Plus que de reproduire le réel, ne s'agit-il pas pour le romancier de donner une vision personnelle et subjective de la réalité ?
I. MIMÈSIS : LE ROMAN COMME REPRODUCTION DU RÉEL, COMME MIROIR DE LA RÉALITÉ
A. Des sous-genres romanesques ancrés dans la réalité
- Le roman historique :
comme le nom de ce genre l'indique, les romans historiques évoquent des réalités propres à une époque particulière et les personnages de ces romans ont souvent pour origine des êtres de chair et de sang : ainsi l'intrigue relatée dans Les Martyrs (1809) de Chateaubriand se déroule dans l'Antiquité romaine et traite des débuts du Christianisme ; de même, Quatre-vingt treize (1874) de Victor Hugo évoque l'évolution de la Révolution française et en particulier l'épisode sanglant de la Terreur.
- Le roman biographique ou autobiographique :
Albert Cohen dans l'oeuvre mi-biographique mi-autobiographique qu'est Le livre de ma mère raconte ses relations avec sa mère juive dans le contexte de la France antisémite du début du XXème siècle : par petites touches, il évoque notamment le Marseille de la Belle-Époque, puis ses occupations à Genève dans la Société des Nations lors de l'entre-deux-guerres. De même, Les Mémoires d'outre-tombe (1848) de Chateaubriand sont l'occasion pour l'auteur d'évoquer sa vie (1768-1848) ainsi que les événements historiques majeurs dont il fut témoin : la Révolution, l'Empire, la Restauration et la Monarchie de Juillet (...)
[...] Ainsi les différents romans qui composent le cycle des Rougon-Macquart donnent-ils une image précise de la réalité du Second Empire. Cf. le magasin Au Bonheur des Dames qui reprend les chiffres d'affaire et du personnel du Bon Marché de Boucicaut ou du Louvre C. Au-delà, le roman comme un genre qui refuse l'idéalisation et s'inspire de la réalité (historique, sociale, existentielle, techonologique, ) L'histoire du roman s'est construite par opposition au merveilleux de l'épopée et du conte, et par souci d'être au plus proche de la réalité, comme en témoignent plusieurs auteurs marquants du genre romanesque et comme l'illustrent leurs œuvres : o Balzac dans son Avant-Propos de 1842 à La Comédie humaine : La société française allait être l'historien, je ne devais être que le secrétaire. [...]
[...] De même, le roman Le Meilleur des mondes (1932) d'Aldous Huxley évoque-t-il une société où la reproduction sexuée a totalement disparu. De même encore, les personnages de Farenheit 451 (1953) de Ray Bradbury, qui se transforment en une sorte de bibliothèque ambulante dans une forêt, n'ont rien de réel et relèvent de la totale fiction. C. Le refus du réel et de l'illusion réaliste dans certains romans et mouvements Si le Surréalisme exprimait déjà un refus d'une littérature réduite du réel, c'est surtout chez les auteurs du Nouveau Roman qu'on observe une remise en cause de la fonction d'enregistrement de la réalité traditionnellement assignée au roman. [...]
[...] la préface de la première édition d'Une ténébreuse affaire (1841) de Balzac : Un type ( . ) est un personnage qui résume en lui-même les traits caractéristiques de tous ceux qui lui ressemblent plus ou moins, il est le modèle du genre. Aussi trouvera-t-on des points de contacts entre ce type et beaucoup de personnages du temps présent ; mais qu'il soit un de ces personnages, ce serait alors la condamnation de l'auteur, car il ne serait plus une invention. [...]
[...] Théories sur la vision subjective du romancier à l'œuvre dans un roman Baudelaire à propos de Balzac dans Théophile Gautier : J'ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m'avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire et visionnaire passionné. L'œuvre est démiurgique : elle crée par des mots et des phrases comme une terre nouvelle et un ciel nouveau selon l'expression de Georges Dumézil dans Mythe et Epopée. C'est le travail même sur le style qui permet de dévoiler le réel : En travaillant sur la façon de dire ( . ) je vais déployer les possibilités inconnues des mots, et ( . [...]
[...] le roman biographique ou autobiographique : o Albert Cohen dans l'œuvre mi-biographique mi-autobiographique qu'est Le livre de ma mère raconte ses relations avec sa mère juive dans le contexte de la France antisémite du début du XXème siècle : par petites touches, il évoque notamment le Marseille de la Belle-Époque, puis ses occupations à Genève dans la Société des Nations lors de l'entre-deux-guerres. De même, Les Mémoires d'outre-tombe (1848) de Chateaubriand sont l'occasion pour l'auteur d'évoquer sa vie [17681848] ainsi que les événements historiques majeurs dont il fut témoin : la Révolution, l'Empire, la Restauration et la Monarchie de Juillet. B. Des mouvements qui revendiquent un rapport étroit du roman avec la réalité le Réalisme au XIXème siècle : o cf. l'ancrage spatio-temporel de la littérature dans la réalité, typique du Réalisme. Cf. [...]
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