La fin du XIXème siècle est une période tourmentée sur le plan politique et sur le plan littéraire. La génération perdue des Romantiques laisse peu à peu la place à celle des poètes maudits du début du XXème siècle. A la charnière entre ces deux moments, alors que sa vie personnelle est également troublée, Verlaine compose les Fêtes Galantes et les Romances sans paroles.
En 1955 Jean-Pierre Richard, dans Poésie et Profondeur, propose l'interprétation suivante : « Repos, silence, détente, ouverture. L'œuvre verlainienne illustrerait assez bien un certain quiétisme du sentir : volonté de ne pas provoquer l'extérieur, art de faire en soi le vide, croyance en une activité émanatoire des choses -brises, souffles, vents venus d'ailleurs – sur laquelle l'homme se reconnaît sans pouvoir, attente de cette grâce imprévisible, la sensation. Celle-ci lui est la messagère d'un univers lointain, le signe physique d'un objet émetteur qui l'envoie doucement s'imprimer sur la mollesse de l'esprit. » A la lecture de cet énoncé, diverses pistes s'offrent à nous. Il semble donc nécessaire de retenir certains termes prépondérants. Ainsi nous nous intéressons plus particulièrement à la notion de « quiétisme du sentir » que nous nous efforcerons de définir à l'aide de l'ensemble de l'énoncé. « Quiétisme » renvoie au mot latin « quies », signifiant « silencieux, calme ». Ce terme est proche du terme quiétude mais on remarque la présence du suffixe « -isme » qui en fait presque une doctrine. Le quiétisme s'apparenterait donc à une quiétude volontaire, comme le confirme la fin de l'énoncé qui développe ainsi : « volonté », « art », « croyance », noms qui insistent sur le caractère volontaire. « Sentir » est ici un infinitif substantivé qui renvoie à l'expérience faite avec les sens. Ce sentir serait le fruit de sensations « messagères » porteuses d'un signe, faisant sens. Verlaine dans ses recueils reprend les clichés de la bucolique : nature calme, paisible, ombragée, au sein de laquelle l'être humain peut s'abandonner, mais le tableau ainsi brossé est figé, s'apparentant par-là à une nature morte, Verlaine dépeint une nature inquiétante, embrumée, romantique. La quiétude n'est qu'apparente, elle ne dure pas. De plus elle semble absente dans la facette des recueils consacrée à la fête, avec des références au théâtre, à la musique. Cela révèle-t-il un échec ? Si cette poésie se voulait paisible, si la quiétude était quiétisme cela serait une mise en échec, mais cette tentative d'apaisement est-elle une fin en soi ou bien une étape vers autre chose ? Nous verrons que le quiétisme du sentir est présent mais qu'il dévoile des inquiétudes du poètes et aboutit à un retour à la réalité
[...] Il semble donc nécessaire de retenir certains termes prépondérants. Ainsi nous nous intéressons plus particulièrement à la notion de quiétisme du sentir que nous nous efforcerons de définir à l'aide de l'ensemble de l'énoncé. Quiétisme renvoie au mot latin quies signifiant silencieux, calme Ce terme est proche du terme quiétude mais on remarque la présence du suffixe - isme qui en fait presque une doctrine. Le quiétisme s'apparenterait donc à une quiétude volontaire, comme le confirme la fin de l'énoncé qui développe ainsi : volonté art croyance noms qui insistent sur le caractère volontaire. [...]
[...] Ainsi après les deux premiers vers de l' Ariette IX Verlaine rappelle discrètement l'opposition du réel et de la vision : Tandis qu'en l'air dans les ramures réelles / Se plaignent les tourterelles Il a une distinction marquée entre les branchages factices et baroques qui se reflètent dans l'eau, dans la fumée et les branchages réels. On trouve également dans les Romances sans Paroles : Voici que le nuit vraie arrive Une rupture a lieu, le retour au réel se fait de façon brutale. Le poète annule par ces rappels l'univers lointain qu'il avait installé. Nous l'avons vu, il est bien question, dans Fêtes galantes et romances sans paroles, de Repos, silence, détente, ouverture mais il est très repérable également que les contraires de ces substantifs sont évoqués dans les recueils de façon abondante. [...]
[...] La quiétude ambiante de la poésie verlainienne peut-elle être lue comme un quiétisme ? Pour apporter des éléments de réponse à cette question, nous avons démontré qu'il y avait bien la présence d'un quiétisme du sentir dans ces deux recueils, cependant au-delà d'un calme apaisant, Verlaine s'évertue à créer une nature morbide et plutôt inquiétante. Les sensations qui submergent renvoient à une impuissance qui peut être source d'angoisse ou de mélancolie. C'est peut-être pourquoi Verlaine conserve en arrière-plan une réalité brutale mais toujours présente. [...]
[...] Le poète relate cependant les sensations qu'elle procure à son entourage. De même dans à Clymène ce poème-phrase, l'auteur s'adresse à Chère en évoquant sa voix, son odeur Il est submergé par les sensations qui provoquent une confusion rendue par la longueur de la phrase. On peut voir ici le fameux dérèglement de tous les sens et la synesthésie Baudelairienne : Puisque ta voix, étrange / vision Puisque l'arôme insigne / de ta pâleur de cygne Faire le vide en soi c'est retrouver une naïveté, une spontanéité, qu'elle soit feinte comme dans les Ingénus : Que notre âme, depuis ce temps, tremble et s'étonne ou bien souhaitée vivement comme le montre ailleurs l'emploi anaphorique de l'impératif qui se fait exhortation : Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles / Eprises de rien et de tout étonnées dans l' Ariette IV Ne plus penser et se contenter de ressentir, semble nous conseiller le poète : [ ] en sorte que le cœur / chôme et que l'esprit vaque le rejet permet de placer les deux verbes en tête de vers et en fin de vers ce qui a pour effet de bien les souligner. [...]
[...] Ce sentir serait le fruit de sensations messagères porteuses d'un signe, faisant sens. Verlaine dans ses recueils reprend les clichés de la bucolique : nature calme, paisible, ombragée, au sein de laquelle l'être humain peut s'abandonner, mais le tableau ainsi brossé est figé, s'apparentant par-là à une nature morte, Verlaine dépeint une nature inquiétante, embrumée, romantique. La quiétude n'est qu'apparente, elle ne dure pas. De plus elle semble absente dans la facette des recueils consacrée à la fête, avec des références au théâtre, à la musique Cela révèle-t-il un échec ? [...]
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