A plusieurs reprises au cours de son Roman de la Rose (13ème siècle), Guillaume de Lorris annonce le dévoilement de la « senefiance » : (v. 2073) « La vérité qui est couverte vous sera lores descouverte ». Cependant, le récit s'achève sans que cette vérité ait été explicitement « descouverte ». La question reste donc en suspens et les critiques se sont attachés à résoudre ce mystère. L'un d'eux, Daniel Poirion propose une solution : « L'importance, la vérité, la signifiance du récit, c'est la métamorphose ». Au sens strict, il semble qu'il n'y ait pas de « métamorphose » dans le roman : aucun des personnages ne se transforme physiquement en autre chose. Cependant, la « métamorphose » peut être entendue comme un changement complet d'une personne ou d'une chose dans son état et dans ses caractères mais aussi comme un changement de forme, de nature ou de structure si considérable que l'être ou la chose qui en est l'objet n'est plus reconnaissable. A l'évidence, pris dans un sens moins strict, le terme de « métamorphose » semble s'appliquer au changement que subit le caractère du protagoniste qui, au cours d'un songe allégorique, fait la rencontre d'un bouton de rose et en tombe amoureux. Cependant, cette dimension ne s'applique pas avec autant de facilité à l'ensemble du roman : que dire en effet du passage qui suit cet « ennamourement » ? De même, si le processus de « métamorphose » permet de rendre compte de cette dimension du récit, il ne rend compte encore que de sa structure. Cela ne permet pas d'affirmer que ce processus en est la « vérité » et la « signifiance ». La vérité d'un roman n'est pas dans sa structure : la vérité d'une œuvre doit être dans l'alliance entre sa forme et son contenu : (v. 1600) « Mes jamés n'orrés miex descrivre la verité de la matere com je la vous vodré retrere». Ainsi pour que le concept de Daniel Poirion soit véritablement opératoire, il faudra montrer qu'il rend compte à la fois de la « matere » et de la forme du Roman de la Rose. Il faudra voir jusqu'à quel point le processus de métamorphose peut rendre compte des divers niveaux de sens de ce songe allégorique. La question est donc de déterminer comment le processus de la « métamorphose » structure le roman selon le schéma d'un récit initiatique mais aussi, plus profondément, correspond à la raison pour laquelle le roman a été écrit et à la manière dont il a été conçu. Il s'agira donc tout d'abord de démontrer que le processus de « métamorphose » permet de rendre compte de la structure de l'œuvre, non seulement dans la première partie du roman mais aussi dans la deuxième, après la fontaine de Narcisse. A un deuxième niveau, il s'agira de comprendre comment l'effet que doit produire l'œuvre elle-même s'apparente à une métamorphose. Enfin, à un troisième niveau, il s'agira de voir le rôle que joue le processus de métamorphose dans la genèse de l'œuvre.
[...] 3527) à cause des accusations de Malebouche (cette allégorie ne renvoie d'ailleurs ni à l'amant ni à l'amante mais aux losengiers en général, danger qui guette tout fin'amans : (v. 3569) Malebouche le losengier Enfin, nous assistons à une nouvelle évolution de Danger qui s'était amadoué (v. 3755) : les termes des or et devient le montrent clairement. La métamorphose de la Rose en amante prend davantage de temps et semble bien plus difficile que celle de l'amant qui s'est produite, du moins au départ, dans une joie sans cesse croissante. [...]
[...] 1541) au cours de la description du verger (v. 1406), au cours de la description de la fontaine, et une chose vous dirai qu'a merveilles, ce croi, tendrés ou encore, au sujet des cristaux (v. 1549) si sont cil cristal merveilleus Le terme esperitable (v. 638), utilisé pour qualifier le verger, participe de la même dimension. La magie imprègne donc tout ce lieu dés le début et renforce l'idée de métamorphose. La processus structure donc l'ensemble de ce premier moment : la métamorphose n'est pas ponctuelle mais progressive, elle ne se limite pas à la rencontre de la fontaine ou à celle de la Rose. [...]
[...] La dimension conative du récit est ici clairement exprimée. Etant donnée la situation dans laquelle il semble se trouver au moment où il écrit, on peut penser que le guerredon attendu est son retour en grâce. Le contenu même de l'œuvre tend à laisser penser qu'elle est écrite pour calmer la jalousie de la Dame et lui permettre ainsi de poursuivre son évolution. En effet, l'amant y fait le récit de sa propre métamorphose en fin'amans Il s'agit donc en quelque sorte d'un aveu de sincérité, une apologie. [...]
[...] De plus, au Moyen-Âge, aimer c'est chanter : l'auteur chante donc son amour dans cette œuvre. Le concept de métamorphose est ainsi opératoire pour analyser la genèse même de l'œuvre : le jeune homme ne devient pas seulement un fin'amans en rêve, il devient auteur. Enfin, l'ensemble de son roman s'inscrit dans un processus de transformation des diverses traditions littéraires auxquelles il se rattache. En quelque sorte, on peut dire que l'écriture elle-même est placée sous le signe de la métamorphose. [...]
[...] L'amant s'adresse certes à Bel Accueil mais ce dernier est enfermé dans une tour et ne peut donc entendre sa voix. De plus, Bel Accueil incarne la faveur de la Dame qui accueille avec bienveillance l'amant. Par conséquent, il est tout à fait plausible que ces plaintes soient adressées directement à la Dame et que l'on soit sorti du songe : certains critiques s'accordent en effet à le dire. Ainsi, il est fort probable que la situation finale de l'amant rejeté loin de sa Rose par Jalousie soit une image de la situation réelle dans laquelle se trouve l'auteur par rapport à la Dame : celle-ci, après l'avoir bien accueilli, a été rebutée par certaines rumeurs calomnieuses au sujet de son prétendant et s'est enfermée dans sa jalousie. [...]
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