Le Roman de la Rose est une œuvre médiévale d'orientation profane, commencée par Guillaume de Lorris puis continuée par Jean de Meung. A la fois récit d'un songe et d'une quête amoureuse, ce texte s'inscrit dans une tendance à la théorisation de l'amour, née au XIIe siècle. Toutefois, on remarque que ce thème connaît, sous la plume de Guillaume de Lorris, une promotion littéraire importante. En effet, au-delà du sens littéral de l'œuvre se déploie toute la richesse symbolique de l'allégorie. Or, celle-ci constitue l'une des formes littéraires les plus nobles et n'était jusque-là présente que dans des ouvrages fortement ambitieux (la Psychomachie du poète chrétien Prudence, par exemple), dédiés le plus souvent à l'enseignement des sciences et de la religion. Aussi, on peut se demander dans quel but Guillaume a introduit dans son œuvre une dimension allégorique. Serait-ce seulement par esprit de révolte, par volonté de promouvoir une certaine sécularisation de la littérature médiévale ?
Pour Daniel Poirion, il en va tout autrement. Dans un article de L'information littéraire, il insiste sur l'importance que la poésie allégorique revêt au sein de l'œuvre de Guillaume. Selon lui, « Dans le secret de la fine amor, dans cet espace fermé au monde vulgaire de la laideur, mais encore exclu de la jouissance suprême, la poésie allégorique mêle à l'exemplarité de l'ordre, des commandements, la singularité d'une vie, d'un rêve de jouissance, d'un désir angoissé : finesse du fin amant qui fait varier la géométrie du maître d'œuvre. »
Cependant, nous allons voir que, si la poésie allégorique permet effectivement de définir le comportement du fin amant - et plus généralement la fine amor - et de faire se déployer la signification de l'œuvre sur plusieurs niveaux d'interprétation, elle n'en fait pas pour autant varier sa géométrie, qui était, dès l'abord, bien définie par son auteur.
[...] Le premier sera celui, magistral, du dieu d'Amour, véritable maître de courtoisie pour le Héros. Le second, plus difficile encore, sera celui de l'expérience, que le Héros acquerra peu à peu. C'est pourquoi, sans doute, Daniel Poirion nous parle du secret de la fine amor car la conduite du fin amant idéal n'est révélée qu'étape après étape. Au départ, le Héros affirmait : Il n'est nus graindre parevis / D'avoir amie a son devis (v. 1299-1300), ce qui est traduit par Il n'est pas de plus grand paradis que d'avoir une amie selon ses vœux Mais il va découvrir que la Rose ne se soumet pas aussi facilement au désir d'autrui et que c'est son propre désir, et non celui du Héros, qui doit être respecté. [...]
[...] Il nous dit que la poésie allégorique mêle à l'exemplarité de l'ordre et des commandements Ce sont en effet ces deux éléments qui permettent de déterminer quelle image de la fine amor l'auteur souhaite nous donner. Sa conception reste assez traditionnelle, puisque comme chez Ovide, l'amant est assimilé à un soldat dans l'armée de l'amour. Il reçoit des ordres auxquels il doit se soumettre. Les commandements qu'il doit suivre lui sont ici dictés par le dieu d'Amour, dans une scène qui s'apparente à un véritable décalogue. [...]
[...] La dimension poétique du roman reste pourtant principalement au service en tout cas d'un idéal courtois ; celui-ci doit toutefois être considéré comme un idéal fictionnel : la sphère littéraire est le seul lieu où il s'énonce et se réalise, car il est en contradiction avec les mœurs du temps. Le Roman de la Rose nous propose donc une représentation idéologique de l'amour. Bibliographie Somnium vidiriari, d'Evrart de Trémaugon L'Avision Christine, de Christine de Pizan Songe en vision, de Charles d'Orléans La Divine Comédie de Dante Edgard de Bruyne, Études d'esthétique médiévale, De Tempel vol., Brugge Jacques Glenisson (s. dir.), Le Livre au Moyen Âge, éditions du CNRS, Paris, 1988. [...]
[...] Par contre, le commencement du Roman de la Rose nous indique comment accueillir cet ouvrage. Le roman commence en effet par quelques vers où l'auteur s'adresse directement à son public et qu'il est convenu de nommer prologue. Or, dans ce prologue, Guillaume nous révèle déjà la teneur de son oeuvre. La dimension allégorique du Roman de la Rose est annoncée dès le début par la référence à Macrobe, qui est suivie de ces vers hautement significatifs : [ ] plusor songent de nuis / Maintes choses couvertement / Qu'ils voient puis apertement (v.18 à 20). [...]
[...] L'auteur attache également une grande importance à l'ordre dans lequel doivent se dérouler les évènements. Les personnages allégoriques de Danger, Honte et Peur, qui sont des personnifications d'un sentiment personnel en rapport avec l'âme de l'aimée, semblent en être les gardiens désignés puisqu'ils réfrènent les ardeurs parfois mal maîtrisées de l'Amant. Ainsi, lorsque celui-ci demande à Bel Accueil de lui donner le bouton de rose qu'il convoite (p.193), Danger fait son apparition car il juge cette grossière et scandaleuse requête trop rapide. [...]
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