« Il n'y a point de fatalité dans le roman ; au contraire, le sentiment qui y domine est d'une vie où tout est voulu, même les passions et les crimes, même le malheur. » Alain.
Le roman est probablement la forme d'écrit la plus répandue, celle que nombre d'auteurs adoptent, tant et si bien que Charles Baudelaire le qualifie d'« enfant gâté de la fortune à qui tout réussit », ce qui rend bien compte de son succès, voire de son hégémonie qu'il impose aux autres genres littéraires. Multiplicité des intrigues et des personnages, des registres, interventions fréquentes de l'auteur, tout est possible dans un roman, quelle que puisse être l'intention de son créateur. Le romancier est le maître de son œuvre, il la contrôle en tout point, qu'il s'agisse des personnages ou du cadre spatio-temporel, des événements, somme toute, de l'intrigue globale. C'est peut-être là une des raisons qui fait dire au philosophe Alain : « Il n'y a point de fatalité dans le roman ; au contraire, le sentiment qui y domine est d'une vie où tout est voulu, même les passions et les crimes, même le malheur. » Il introduit ici l'idée de fatalité, de sort inéluctable (du latin factum, la destinée, le hasard), dont l'incipit du roman Jacques le Fataliste fournit une belle définition par de multiples occurrences faites à une idée d'invariabilité de l'avenir, de choix (divin) prédéfini auquel croit le personnage de Denis Diderot.
[...] Le roman peut tout aussi bien comporter une valeur historique, servir, comme le voulaient les auteurs réalistes des XIXe et XXe siècles, de miroir du réel, servir donc à montrer au lecteur la réalité nue, en y faisant évoluer les personnages. C'est le cas d'auteurs comme Zola qui, après avoir pris des notes dans ses carnets, a décrit dans ses œuvres la réalité observée. On peut ainsi voir la condition ouvrière dans L'Assommoir, le milieu des mines dans Germinal, le milieu de la prostitution dans Nana, ou encore celui de la spéculation financière lors des grands travaux d'urbanisation d'Haussmann dans La Curée. [...]
[...] Le goût du luxe et du faste menant au vice dans Manon Lescaut montre alors à nouveau en quoi le caractère des personnages peut influer sur l'intrigue. À la manière du vice dans Manon Lescaut, Pierre-Ambroise Choderlos de Laclos présente une certaine immoralité, un certain libertinage dans son roman épistolaire intitulé Les Liaisons dangereuses. Or, cela conduira les protagonistes au malheur. En effet, Valmont et Madame de Merteuil, par les défis de conquêtes qu'ils se lancent mutuellement souffrent et font souffrir les victimes de leurs défis, et notamment la présidente de Tourvel qui, à cause de Valmont, meurt. [...]
[...] La fatalité, elle, semble, semble toutefois prendre une place au sein des romans, au travers des éléments tels que les passions et les malheurs, où elle peut percer. C'est ainsi qu'il est possible de discuter la thèse d'Alain, tout d'abord en en montrant la véracité puis en la nuançant. Tout d'abord, le romancier, en étant créateur, mène l'œuvre, la guide là où il entend la mener, y contrôlant tout, et notamment les personnages. Toute œuvre romanesque est ainsi empreinte de la volonté du romancier, qui peut lui donner toutes les portées souhaitées. [...]
[...] La passion dont parle Alain peut ainsi n'être en rien le fruit d'une volonté de l'auteur ou de ses personnages, et donc ne relever que du domaine de la fatalité. La thématique criminelle, quant à elle, est très présente dans les romans de l'entre-deux-guerres, comme Le Feu d'Henri Barbusse ou encore Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline. Outre les morts naturelles ou dues à des maladies comme celle de Bébert qui meurt de la typhoïde malgré les soins que tente de lui procurer Bardamu, ce dernier comporte des scènes de crimes de guerre multiples, du fait du réalisme exacerbé de la guerre qu'y expose Céline. [...]
[...] Enfin, on peut trouver le thème du malheur dû à la fatalité au travers du thème de la désillusion. Cette idée a été traitée par Flaubert dans Madame Bovary où la jeune Emma, étourdie et croyant fermement aux histoires décrites dans les romans qu'elle lit, croit rencontrer à son tour le grand amour un jour et subit rapidement des désillusions au cours de ce roman d'apprentissage. De la même façon, Jeanne dans Une Vie de Guy de Maupassant, subit progressivement tous les travers de son mari, Julien, et va de désillusion en désillusion, alors qu'elle imaginait, naïvement, que son mariage serait heureux à jamais. [...]
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