Le nom « roman » est apparu au Moyen-Age: «romanz», désignant la langue parlée à l'époque, par opposition à la langue latine. Mais le roman n'est pas à la mode : apparaissent en effet d'abord et surtout les chansons de geste, comme La chanson de Roland attribuée au moine Turold, qui développent la dimension épique; puis naît la poésie avec les courants lyriques et courtois tels que le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris; et enfin apparaît le théâtre avec le théâtre religieux comme le Mystère de la Passion d'Arnoul Greban ou avec le théâtre profane comme le Jeu de la feuillée d'Adam de la Halle. Au 12e siècle, le terme «romancer» est alors apparu, et signifie «raconter en français». Le roman, jusqu'alors négligé, ne prendra vraiment de l'importance qu'à partir du 16e siècle, avec les romans Pantagruel et Gargantua de l'humaniste Rabelais en 1532 et 1534. Il ne va alors cesser d'évoluer jusqu'à nos jours, en traversant les siècles et en s'adaptant aux différents mouvements littéraires de notre littérature. Mais, au fil de son évolution, une question ne cessera de tarauder l'auteur d'un roman : le romancier peut-il retranscrire le réel ?
A cette question demeurent bien des indécisions ; mais, quoi qu'on en dise, le romancier peut a priori imiter et s'aider de la réalité ; cependant, la copier est impossible ; l'auteur doit donc prendre appui sur le réel pour s´en servir à diverses fins littéraires.
[...] Ainsi, copier le réel est impossible à cause des points de vue et des choix littéraires, mais aussi par son style lui-même. En effet, l'impression de voir le personnage pour de vrai est contredite par des procédés d'écriture remarquables, qui manifestent généralement un souci du détail, tels que les figures de style suivantes: les comparaisons et les métaphores (filées ou pas) qui métamorphosent au contraire le personnage en une œuvre d'art. Ainsi, dans le Chef d'œuvre inconnu, Balzac compare un de ses personnages à «une toile de Rembrandt», dans l'Homme qui rit, Hugo compare son personnage Gwynplaine à «une tête de Méduse gaie», dans l'Assomoir, Zola compare Goujet à un «Bon Dieu» lorsqu'il jouait, et dans Le Temps Retrouvé, Marcel Proust associe le vieux duc de Guermantes à vieux bloc» qui vieillit sans perdre son style. [...]
[...] Mais, une preuve de l'impossibilité de copier la Nature est tout à fait évidente: on ne peut relater toute la vie d'un personnage! Ainsi, l'auteur relate seulement une partie de leur vie fictive: il est contraint de faire des choix, ce qui se comprend aisément, car il n'y a aucune utilité très souvent à partir de la naissance du personnage jusqu'à sa mort en passant par tous les événements de sa vie: il s'agirait alors d'un roman autobiographique, comme les Confessions de Saint- Augustin ou celles de Rousseau, mais donc d'un roman plus apte à être subjectif. [...]
[...] Effectivement, l'auteur peut donner une image de réalité grâce à certains procédés littéraires. Tout d'abord, lorsque celui-ci décide de faire parler ses personnages, le discours rapporté (discours direct en particulier) doit être cohérent avec ce qu'il va dire sur ce personnage. Le romancier doit également faire attention à l'usage qu'il fait de sa focalisation et donc de son point de vue: le point de vue omniscient est à privilégier, alors que la focalisation externe, en un autre personnage donc, laisse des doutes quant à la partialité du romancier. [...]
[...] Tout d'abord, le roman doit s'inspirer de la réalité très souvent dans des visées didactiques, voire polémiques. On distingue ainsi le roman pédagogique: l'Education sentimentale de Flaubert, ou encore les Aventures de Télémaque de Fénelon sont des romans d'apprentissage. Comme leur nom l'indique, ils ont pour visée de délivrer un enseignement à un public qui s'identifiera au personnage qui va être amené à mûrir ses réflexions tout au long de l'histoire. On a également des romans plus philosophiques indirectement s'inspirant du réel pour faire réfléchir: Zadig et Candide de Voltaire, Les Lettres persanes de Montesquieu, les Liaisons dangereuses de Laclos, Manon Lescault de l'abbé Prévost sont des romans, parfois dits contes philosophiques, car ils visent à critiquer les mœurs d'une société: les Lumières ainsi aimèrent à critiquer les injustices sociales du 18e siècle et, ne s'attaquant pas à la monarchie, ils désirèrent une «monarchie éclairée» comme, pour eux, en Angleterre. [...]
[...] Ainsi, le romancier, en s'inspirant du réel, peut viser à plaire et à faire sourire le lecteur, mais également enfin à le faire rêver. Cette dimension onirique du roman peut se retrouver dans de nombreux ouvrages, mais se retrouve majoritairement soit au Moyen-Age soit à notre époque. Chronologiquement, on a eu les romans de courtoisie, chevaleresques du Moyen-Age qui laissèrent une place d'importance à la femme, qui était en quelque sorte la motivation des chevaliers face aux dangers: Yvain, ou le Chevalier au lion et surtout Lancelot, ou le Chevalier à la charrette de Chrétien de Troyes laisseront des rêves dans de nombreux esprits, et laisseront même, plus concrètement, une suite à ce cycle du Graal repris par des écrivains anonymes après sa mort Cette dimension onirique va souvent de pair avec les registres épiques et merveilleux , même à notre époque, et surtout à l'étranger: le Seigneur des Anneaux de Tolkien ou Harry Potter de Rowling développera clairement cet univers merveilleux et fantastique du surnaturel, de la magie avec quelques touches de réalisme parfois, mais aussi en France: l'Ile mystérieuse de Jules Verne décrit, presque scientifiquement, une île avec d'étranges animaux géants En somme, comme a dit Honoré de Balzac: mission de l'art n'est pas de copier la Nature, mais de l'exprimer», grâce au registre réaliste, aux différentes focalisations du narrateur, et à l'Histoire ; cependant, il est clair que cette imitation de la réalité varie d'un auteur à un autre à cause de sa subjectivité montrée par ses choix quant à l'histoire à raconter, par des figures de style montrant son style littéraire personnel, et par l'influence reçue de son entourage ; et, au final, cette imitation ne doit pas se satisfaire à elle-même, elle doit avoir des visées plus larges: faire réfléchir, faire rire et plaire, et faire rêver en développant l'imagination du lecteur. [...]
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